C’est drôle, la vie, tout de même!
Je ne me suis jamais sentie en adéquation avec ce monde, j’ai toujours été décalée par rapport à mon entourage, aux personnes de mon âge, à la société en général… Je n’ai jamais connu les invitations aux anniversaires, je n’ai jamais non plus été populaire à l’école, où j’étais d’ailleurs plutôt le souffre-douleur. Le cauchemar se prolongeait l’été, ma mère s’évertuant à m’envoyer en camps de vacances malgré mes supplications et mes larmes.
Lors des réunions de famille, j’étais toujours dans mon coin, un livre à la main, au grand dam de ma mère qui se fâchait. Ben oui, il fallait faire bien. Elle m’extirpait de mon monde pour aller vers mes cousins avec qui je n’avais rien en commun. En résumé, je n’ai jamais réellement trouvé ma place nulle part, je n’avais pas du tout les mêmes centres d’intérêt que mes copines ou des filles de mon âge. Sans être un garçon manqué, je n’ai jamais été attirée par la mode, le maquillage, les parfums, bref, les trucs de « filles » comme disent certains.
Encore aujourd’hui, je n’ai que trois paires de chaussures que je mets régulièrement, et quatre ou cinq jeans, par exemple. Ça me suffit largement. Par contre, j’ai un nombre de livres incalculables. Je ne sais même pas si j’aurai assez de cette vie pour tous les lire, surtout que je ne peux pas m’empêcher de continuer à en acheter. Oups.
Alors quand le diagnostic de mon petit dernier est tombé, sur le coup, j’ai eu mal. En même temps, quand on m’avait parlé de lunettes et d’appareil dentaire pour mes grands, j’avais pleuré aussi, mais là, c’était différent. Cependant, ça n’a pas pris beaucoup de temps que j’ai accepté et apprivoisé sa différence, parce que je me retrouvais un peu en lui. Je nous trouvais des points communs, des ressemblances que je ne soupçonnais pas, et une belle complicité.
C’est assez difficile à expliquer, mais à travers sa différence, je me sens enfin vraiment moi-même. Je me sens plus épanouie, et aussi, j’arrive mieux à nous comprendre tous les deux. Au départ, je me sentais coupable. J’avais l’impression de récolter ce handicap comme une sentence pour une quelconque erreur du passé, mais aujourd’hui, je le vois différemment. Un peu comme une révélation. J’ai enfin trouvé ma place dans ce monde qui me dépasse, et ça me fait du bien.