Mon ex s’en vient. Il arrive de l’Alberta, où il a travaillé de longs mois. Dix, pour être exacte.
Il n’a jamais été très présent pour notre fille, mais elle était petite, et le temps était, pour elle, bien loin des notions acquises. Cette fois, c’est différent. Elle fêtera son sixième anniversaire lors de son retour. Je sais qu’il repartira, tout n’est qu’éphémère avec lui. Mais elle, elle ne le sait pas, et c’est pourquoi je lui écris ces mots aujourd’hui.
Ma fille, mon ange, je sais que tu as tant de questions à propos de ton papa. Pourquoi il entre et sort de ta vie comme bon lui semble, pourquoi il brille de son absence, et même, de son silence. Je sais que tout ce que tu voudrais, c’est de lui faire un gros câlin et d’aller te balader dans la forêt avec lui pour qu’il t’apprenne tout ce qu’il sait du temps où il était scout. Ou de lui montrer que tu n’as peur de rien et que tu chasses les crapauds comme personne. Mais ces moments sont vides, non pas parce qu’il ne t’aime pas. Non. Plutôt parce qu’il ne s’aime pas lui-même.
Il vient et repart parce que pour lui, les responsabilités et la sédentarité sont des montagnes gigantesques à franchir. Tu es l’une de ces montagnes. Aussi jolies soient-elles, le chemin est long et ardu, et lorsqu’il arrive au sommet, il fait sombre. Il ne voit pas tout le spectacle et le potentiel de la vie. Alors, l’appel de continuer est plus fort que le sentiment de fierté et que le désir de rester pour découvrir toute l’immensité de la beauté qui s’offre à lui.
En lui, il n’y a pas de paix intérieure. En lui déferle un ouragan de pensées malsaines incontrôlables. Les ouragans, tu en as vu les dégâts à la télé, ce sont les mêmes dans son cœur. Poursuivre son chemin, c’est sa façon d’alléger ses pensées et de réparer, « en attendant », l’état de son cœur. Ce n’est pas de ta faute et ce n’est pas de sa faute non plus. Ce n’est la faute de personne.
Ton papa a une maladie invisible aux yeux de tous, même les tiens. Même si c’est une grande personne, chaque jour, il doit apprendre comment faire partie de ce monde sans se blesser .
Le monde est grand, il doit bien y avoir un endroit sans montagnes où il fait soleil.
Oui, mais non, parce que ce sont des montagnes qui font partie de son corps, elles habitent son cœur et son esprit.
Il n’est pas le seul, mais il ne veut pas qu’on l’aide (voilà une autre montagne).
Tout ce que tu peux faire, c’est lui tenir la main jusqu’au sommet, l’aimer et profiter de ce moment, parce qu’une fois là-haut, je prendrai son relais pour t’accompagner, et il repartira.
Je sais que c’est difficile à comprendre, mais tu dois le laisser repartir, franchir ses montagnes et explorer ses horizons. Il reviendra, il revient toujours.