Il (ou elle) gagne un meilleur salaire. Elle (ou il) devrait se taper toute la charge mentale de la famille pour compenser. C’est un bon argument, right? Ça fait du sens, pour vous?
Moi quand j’entends ça, j’ai les oreilles qui me sillent, je grince des dents, je sors mes griffes de féministe (frustrée). Une charge mentale, ça ne se monnaye pas. Vous avez besoin d’arguments, en v’là :
Faire des enfants, c’est un travail d’équipe. Comme une équipe de hockey.
Dans une équipe, on le sait, tous les membres sont essentiels et ont un rôle à jouer. Tous s’entraînent le même nombre d’heures pour y arriver, tous ressentent de la pression, tous doivent mettre les efforts nécessaires pour performer, tous sont parfois fatigués, épuisés. Tous doivent donner leur 100 %, pour un projet commun, celui de gagner. Parce que l’un sans l’autre, ça ne peut pas marcher. Et peu importe le salaire de chacun des joueurs, non? Et ce n’est pas parce qu’un joueur no name est moins rémunéré qu’il doit systématiquement laver les bobettes, lacer les patins, préparer les lunchs, booker les rendez-vous chez le dentiste, chez le médecin ou de whatever quoi de Carey Price qui, lui, gagne le motton.
Votre équipe, c’est votre famille avec la charge mentale qui vient avec. Vous pouvez bien gagner plus cher ou moins cher de l’heure, être une shining star ou pas, ce serait un exploit phénoménal d’y arriver sans l’aide de vos coéquipiers.
Si on comparait des pommes avec des pommes, juste pour le fun!
On s’entend-tu aussi pour dire que du côté de l’équité salariale, c’est encore une lutte à poursuivre au Québec? On sait bien que les métiers traditionnellement féminins sont encore en moyenne moins rémunérés que les métiers masculins de valeur équivalente. On sait aussi que pour certaines femmes (et hommes), le fait d’avoir eu des enfants (et des congés parentaux) a pu nuire à leur progression professionnelle, et du même coup, à leur montée dans l’échelle salariale (et je sais de quoi je parle).
Donc pour parler d’argent, il faudrait comparer des pommes avec des pommes, sinon nous, les femmes, resterons trop souvent les perdantes. Et tant qu’à y être, tant qu’à mettre un prix sur les « choses » de la vie, pourrait-on aussi mettre un prix sur une grossesse, un accouchement, le choix de l’allaitement? Devrions-nous fixer un taux horaire sur les heures passées avec les enfants? Vraiment? Ce serait à mon avis d’une telle inhumanité, un tel échec relationnel entre les hommes et les femmes.
Non, une charge mentale familiale, tout comme un accouchement, ça ne se compare pas avec des $$$.
Et si la femme gagnait plus d’argent?
Aurait-il le même discours? Prendrait-il plus d’initiatives? Ferait-il davantage de repas, s’impliquerait-il plus pour les devoirs, le ménage, l’organisation générale de la famille?
Tout est une question de choix, et d’assumer ses choix.
Mon point ici, ce n’est pas de juger comment se fait la répartition des tâches et de la charge mentale dans votre famille, loin de là. Il est vrai que parfois, un des deux parents a un travail plus prenant que l’autre, plus stressant, moins flexible. Il est vrai que ça peut être un choix de couple de miser sur la carrière de l’un, pendant que l’autre s’occupe davantage des enfants, et ce, pour de multiples raisons qui ne me regardent pas, le salaire pouvant très bien en être un. Y’a absolument rien de mal là dedans, pourvu que ce choix soit compris et assumé par les deux membres du couple, que les enjeux de pouvoir et d’arrogance par rapport à l’argent soient mis de côté et que la valeur et l’effort réel d’une prise en charge mentale et physique de la famille soient considérés.