Je viens de terminer Le monde est à toi de Martine Delvaux et je suis encore sous le charme, ou sous le choc, dans cet état de doux bouleversement qui m’a accompagnée tout au long de la lecture de ce petit livre qui parle d’amour féministe.
Le monde est à toi est une lettre que l’auteure, connue pour ses romans et ses essais féministes, écrit à sa fille de quinze ans. C’est une lettre d’amour, qui se formule comme une interrogation : qu’est-ce que c’est, être une mère féministe?
L’auteure répond avec une sincérité et une humilité désarmantes. « Être une mère féministe, c’est d’abord aimer, t’aimer toi », dira-t-elle à sa fille. Tout le texte se déploie autour de cet amour d’une mère pour sa fille, un amour plein de tendresse et d’admiration, d’humilité et de sensualité, de recherche et de plaisirs partagés. Je crois que c’est ce qui m’a le plus touchée de ce livre, cette capacité de l’auteure à traduire en mots, mais aussi « entre les lignes », ce sentiment amoureux qu’on ressent devant nos enfants qui est si difficile à décrire. Elle réussit, il me semble, à nous le faire goûter, et c’est vraiment beau, touchant et fort.
J’aime beaucoup lire des femmes qui réfléchissent à la maternité féministe. Quand j’ai lu pour la première fois Les tranchées, de Fanny Britt, ma fille devait avoir près de deux ans, et ce fut pour moi une révélation. J’avais l’impression de me faire raconter mon histoire, de me découvrir dans les mots d’une autre. Et tout à coup, je ne me sentais plus seule, je n’étais plus seule, je faisais partie de cette communauté de femmes, de mères, qui cherchent, qui se buttent, qui s’enfargent et se relèvent, qui avancent sans trop savoir comment faire, ni si elles vont s’y faire. Le monde est à toi me fait le même effet, un sentiment de communauté m’habite, et de reconnaissance aussi : j’ai eu l’impression de me trouver un peu, ici encore, dans les mots d’une autre.
Ce qui m’a touché aussi, c’est qu’à travers la forme littéraire de la lettre, et particulièrement les passages écrits au « tu », je me suis moi-même identifiée à la jeune fille de l’auteure, Élie. Je me suis mise en position d’écoute, j’ai gobé les conseils et les appels à la révolte, j’ai eu envie de suivre les invitations que cette mère en quête de justice formule finalement à toutes les filles, à toutes les femmes. Parce qu’en devenant mère, on ne cesse pas pour autant d’être une fille, je me suis sentie aussi être cette jeune fille qui apprend, et qui veut s’éprendre du monde, le faire sien, y faire sa place. Delvaux joue ainsi avec les rôles, nous fait valser entre nos conditions de mère, de femme, de fille, d’adolescente-qui-a-grandit-mais-pas-tant, d’humaine, d’humaine qui cherche.
J’ai lu Le Monde est à toi alors que le mouvement #MoiAussi battait son plein. Étrange hasard qui donna encore plus de sens à ma lecture, et qui me rendit encore plus admirative de la prise de parole et de la solidarité des femmes et des survivantes. Delvaux fait partie de celles qui inspirent à crier encore plus fort, et qui donnent confiance dans le fait que nous ne le ferons pas seules. Une invitation à joindre nos voix pour façonner pour nos enfants un monde empreint de justice, de solidarité, de liberté, d’amour : un monde féministe.
Le monde est à toi
Martine Delvaux
Éditions Héliotrope
152 pages