Comme beaucoup de gens, la pandémie m’a donné l’occasion de prendre une pause de ma routine habituelle et j’ai profité de l’occasion pour me plonger dans une gigantesque déconstruction de mes albums photo. Les deux mains dans les souvenirs, je suis tombée sur des images d’un voyage à Boston en juin 1998. Le Quincy Market, le Boston Common, Beacon Hill… et le visage souriant de ma cousine, ma compagne de voyage.
Vous connaissez sans doute l’expression « On choisit ses ami.e.s, on ne choisit pas sa famille » ? Vivre au sein d’un noyau familial qui ne s’accorde pas avec son bien-être physique ou psychologique peut devenir très lourd, très dommageable avec les années. Certain.e.s sont même poussé.e.s à couper les ponts avec ce noyau et son entourage… afin de se préserver, de survivre ou de commencer à vivre réellement.
Je ne me rappelle pas avoir été en conflit avec ma cousine. Au contraire, j’ai souvenir d’une femme avec laquelle j’avais beaucoup de plaisir. Or, cela fait plus de 20 ans que cette dernière a donné un sérieux coup de balai dans ses relations familiales. En fait, à un certain moment, ma cousine a décidé de couper toute forme de communication ou de liens avec des membres spécifiques de sa famille maternelle… Branche dont je fais partie. Telle une cargaison de thé de Boston, elle nous a tout.e.s jeté.e.s par-dessus bord, dans les eaux. Subitement, elle est disparue de nos vies et s’est littéralement évanouie dans la nature montréalaise. Surprise & choquée, je n’ai jamais saisi pourquoi j’avais été emportée par le même balai. Longtemps, j’ai repassé dans ma tête notre dernier lunch et je suis restée sans réponse. Est-ce que j’avais dit quelque chose, fait quelque chose ou au contraire, est-ce que j’avais loupé une réaction qui aurait dû révéler ses intentions ?
Malgré l’animosité causée par cette coupure, j’ai souvent pensé à elle au fil du temps – lors de mon mariage, de la naissance de mes enfants ou de réunions familiales par exemple. Avec les années, quelques secrets de famille ont émergé, des événements du passé ont été précisés et des situations vécues personnellement m’ont fait comprendre davantage le choix de ma cousine. Pourquoi avait-elle rejeté ce noyau familial qu’on lui avait attribué aléatoirement à la naissance ? Pourquoi avait-elle choisi un autre modèle de relations humaines ? Avec le recul, j’en suis même venue à la conclusion que moi, la cousine Karine, n’avais rien avoir avec sa décision d’exil. Qu’elle avait tout simplement élaboré un plan d’évasion pour fuir certaines relations familiales toxiques ! Celles qui étouffent, qui épuisent et qui tuent à petit feu. Qu’elle s’était choisie elle !
Aujourd’hui, je crois vraiment qu’elle a pris la bonne décision, il y a si longtemps. J’espère qu’elle est heureuse et que tous les aspects de sa vie la comblent. Que la branche familiale qu’elle a choisie la supporte, l’écoute et l’aime comme elle le désire et le mérite. Or, ça ne m’empêche pas d’être triste et blessée d’avoir été écartée si cavalièrement à l’époque. Une seule question persiste dans ma tête: avoir été juste une amie et non une cousine, m’aurait-elle choisi ? Je ne le saurai jamais. Je n’ai que des photos de Boston à interroger… et je les ai soigneusement replacées dans mon album.
Et vous, avez-vous décidé de couper les ponts avec certains membres de votre famille ?