Il y a 3 ans que mon amoureux et moi habitons ensemble. Nous quittions tous les deux notre appartement : celui où j’habitais seule depuis 4 ans et celui qu’il partageait avec des amis depuis 2 ans. Nous n’avions jamais cohabité, ça passait ou ça cassait.
Les choses se sont mises en place naturellement, de sorte que le partage des tâches n’a jamais été matière à dispute. Nous nous efforcions de les répartir pour ainsi en faire autant l’un que l’autre. Puis, j’ai réalisé que nous fonctionnions comme le modèle traditionnel : maman fait la cuisine et la vaisselle, alors que papa passe la tondeuse et la souffleuse.
Sur le coup, j’ai eu vraiment envie de m’insurger. Et je l’ai fait. « Ç’a pas d’sens! On n’est pas en 1953! Je suis très bien capable de passer la tondeuse, pis t’as deux mains pour faire la vaisselle! Ça restera pas comme ça! » Bon joueur, il me dit qu’il n’y a pas de problème. Je peux passer la tondeuse et il s’occupera du souper. Tant que les tâches sont départagées, c’est tout ce qui lui importe.
Il n’a fallu que quelques essais pour réaliser que ça ne fonctionnait pas. Du moins, pas pour nous. J’ai le goût de m’insurger parce que je trouve réducteur de croire que je ne suis pas en mesure de passer la souffleuse. Par contre, je n’ai sincèrement pas le goût de me geler les doigts à -35 en ayant de la neige de gelée dans le pinch. Alors que lui, après avoir déneigé la cour en pleine tempête, rentre à la maison avec le visage accompli d’un survivaliste ayant passé 6 mois en mission dans le milieu de la toundra. Il peut très bien faire le souper, il en est capable, je le sais. Par contre, il oublie de mettre du sel, du poivre et de l’ail. Il s’efforce de faire un mets préparé en boîte, mais lui, ça goûte la boîte!
Peu de temps après notre discussion, je tombe sur une entrevue à ce propos dans une revue. Plusieurs questions étaient posées à une avocate. Parmi ses réponses, elle expliquait que la plupart des divorces qu’elle gérait étaient la somme de mésententes quant à la cohabitation et la répartition des tâches. Elle ajoutait que les gens n’étaient pas en mesure d’avouer leurs forces et leurs faiblesses et de miser sur chacune d’elles. Elle disait aussi que peu importe les rôles que nous jouons dans la société actuellement, il est profitable que chacun s’affaire à des tâches pour lesquelles il est le plus doué. Ainsi, les forces de chacun seront mises à profit et le foyer n’en sera que plus harmonieux.
C’est ainsi que j’ai cessé de combattre le fait que je voulais que nous cessions à tout prix d’avoir des rôles dits traditionnels. Je me débrouille bien et je prends un malin plaisir à cuisiner, alors qu’il aime bien s’affairer aux tâches extérieures, en solitaire. C’est son petit moment à lui. Il nous arrive d’inverser les rôles ou de nous prêter main-forte et c’est parfait ainsi.