Je me suis exilée à 19 ans, loin de mon cocon familial, loin de mon univers. Toi aussi, dans ces eaux-là. Je ne savais pas trop ce que je ferais à cette époque, où je vivrais, ce que je deviendrais. J’étais naïve de croire que je n’aurais pas besoin de ma famille à mes côtés, que je pourrais voler de mes propres ailes sans perdre l’équilibre. Je voyais ces 300 kilomètres comme une distance facile, et pourtant.
Il y a eu les premiers succès, les amours, les nachos, les jujubes. Gilmore Girls en boucle les yeux semi-fermés sur le divan. Il y a eu les déceptions, les coeurs qui débordent, les frustrations. De grandes ados à adultes, on a fait nos chemins à notre façon. Et ils sont restés croisés.
La première maison, les coups de pinceau. Tes trop nombreuses boîtes de livres dans les escaliers de ton appartement. L’annonce d’une deuxième ligne rouge. La crème glacée de grossesse, baleine sur deux pattes. La compagnie les soirs de célibat, juste parce que. La visite à l’hôpital qui fait du bien. Il y a eu ton nouveau chez-toi, tes formes qui t’ont trahie, encore plus de nachos si ça passe.
Tu as été là pour ma fille, dès le début. Fidèle au poste, toujours prête à venir prêter main forte, tendre l’oreille, donner tout plein d’amour.
Puis, les premiers colleux à l’hôpital. Ta petite cocotte resplendissante. Respirer son odeur de bébé et la cajoler. Quand on ne savait pas encore, si près de la date, ce à quoi on serait tous confrontés.
COVID-19. Confinement. Zone rouge.
Pas de colleux, pas de bisous, mais pas non plus de bras, d’aide, de soutien. Si tu savais combien de soirs j’aurais aimé vous dire de sortir, d’en profiter, pendant que j’allais m’occuper de bébé.
Les messages sans fin. Les coucous rapides à l’extérieur. Les marches à 2 mètres. Apercevoir ta fille derrière la fenêtre de ta voiture. Être ta ressource ici s’il advenait un pépin, savoir que l’inverse est aussi vrai. Ça fait du bien.
On s’est tricoté une bulle comme on a pu, quand on le pouvait. Mais on a eu cette chance de ne pas avoir 200 ou 300 kilomètres qui nous séparaient. Le temps est lourd ces temps-ci, loin des personnes qui comptent tant pour nous.
On s’est exilées si jeunes. Si l’on avait su, l’aurait-on quand même fait? Peut-être que oui. Peut-être que non. Cette belle liberté dans une ville si paisible.
Merci d’être proche, je me sens si loin des miens. Et toi aussi.
À toi, la meilleure matante-amie que l’on puisse avoir. (Je m’excuse pour l’émotion!)