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Mon petit bébé aurait eu deux ans ces jours-ci
Crédit: Insung Yoon / Unsplash

Je suis devenue mère à moitié par chance, à moitié par hasard. Un dimanche, il y a 13 ans et des poussières, un petit + sur un bâton est venu chambouler notre vie. J’avais tout juste 23 ans, un emploi depuis moins de 6 mois, un prêt étudiant à rembourser et un minuscule 4½. Je savais, au fond de moi, que je voulais être maman jeune. Je savais que je voulais des enfants avec le père de ma fille. Seulement, on commençait tout juste à en parler; c’était un projet pour les années qui suivaient. 

Deux ou trois années plus tard, lorsqu’on a voulu agrandir à nouveau la famille, notre chance de la première fois ne s’est plus jamais manifestée. Durant 8 ans, j’ai vécu avec le fol espoir d’être mère à nouveau, pour chaque fois être déçue. Mois après mois, année après année. J’avais des cycles douloureux, irréguliers, inconstants. J’ai consulté différents médecins, mais personne n’a pu mettre un diagnostic sur ce que j’avais. Fort probablement de l’endométriose, mais encore, il y avait certains symptômes qui démentaient cette théorie. 

Durant 8 ans, concevoir un enfant a été un sujet de stress, d’angoisse, de discorde entre nous. Avec le temps, mon conjoint et moi avons développé des visions différentes de la situation. Alors que je la voyais comme un échec, alors que je percevais ma famille incomplète, lui commençait à lâcher prise. Un jour, il m’a dit qu’il voulait qu’on cesse d’essayer. Il disait qu’il était heureux avec un seul enfant. Qu’il voulait que je le sois aussi. Il me disait de profiter de l’enfance de notre fille au lieu de pleurer sur celle des enfants que je n’aurais peut-être jamais. J’ai respecté son choix, mais je lui en ai voulu durant un bon moment. Si fort, si violemment. Une petite voix au fond de mon cœur me disait qu’il avait raison, et j’aurais voulu trouver l’équilibre dans tout cela comme lui le faisait. Mais, d’un autre côté, j’avais le sentiment qu’il me laissait tomber. J’ai mis des mois à réfléchir, à comprendre. Puis, un jour de Noël, je lui ai annoncé que j’avais finalement trouvé la paix dans tout ça. Pour la première fois, j’acceptais, pleinement et sereinement, que nous ne serions que trois. Pour toujours et que cela me comblait.

Et c’est là que la vie m’a joué un sale tour. Je suis tombée enceinte, une deuxième surprise. Mais dès le début, il y avait des choses qui n’allaient pas. On m’a envoyée d’urgence à l’hôpital, pour une échographie. J’ai pu voir mon bébé sur l’écran du moniteur, minuscule et fragile. J’ai pu le contempler 5 minutes. Parce que, tout de suite après, on m’a avortée. Il était dans une de mes trompes, il n’avait aucune chance. Il n’y a jamais beaucoup d’espoir avec une grossesse ectopique. Je ne savais même pas ce que ce mot voulait dire avant. Et maintenant, juste l’entendre me plonge dans une profonde tristesse. J’ai eu droit à 5 minutes avec cet enfant que j’attendais depuis presque une décennie. J’ai mis du temps à le réaliser, mais quelque chose s’est brisé ce jour-là. Et je travaille encore à le réparer. J’ai peur de ne jamais y arriver. 

Lorsqu’on perd un enfant, il y a ce sentiment, cette question qui harcèle notre esprit déjà malmené. Pourquoi ? Qu’ai-je fait ? Qu’aurais-je dû faire ? Le plus triste, c’est qu’il n’y a rien que j’aurais pu ou que j’aurais dû faire, mais je me reproche amèrement cette perte. Comme si j’en étais responsable. 

Si tout avait été normal, mon bébé serait né début octobre, en 2018. Il ne se passe pas un jour sans que j’y pense. J’ai traversé, en pensée, toute ma grossesse, mon accouchement. Je me suis vu le bercer, l’accompagner dans ses premiers pas, ses premières dents. Je l’ai entré à la garderie, je l’ai amené se balancer au parc. Et là, j’aurais fêté ses deux ans ces jours-ci. On lui aurait fait un gros gâteau au chocolat, j’aurais partagé avec ma famille et mes amis sa petite face toute sale et heureuse. Probablement que je raisonnerais souvent sa grande sœur qui se plaindrait que le bébé la dérange. Probablement que je respirerais le parfum de ses cheveux, alors qu’il dormirait blotti contre moi. Comme je l’ai fait avec sa sœur.  Je l’aurais aimé de tout mon cœur, j’aurais profité de chaque instant, les beaux comme les moins, parce qu’avec lui se serait fermé ce chapitre de ma vie. 

Dans le secret de mon cœur, mon bébé perdu est un petit garçon. Il ressemble à son papa, autant que notre fille me ressemble. Je trouve cela juste. C’est un enfant plein de vie, espiègle et curieux. Il s’appelle Nicolas. Il fait partie de ma vie, même si vous ne le connaîtrez jamais.

 

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