On se l’est tous les deux avoué, un peu honteux. Mon mari et moi, pour la même raison. On voudrait que ce soit une fille.
En nous rendant ensemble à l’échographie, je sens le stress grandir en moi. Et avec ce stress, la culpabilité. Je m’en veux affreusement de vouloir une fille. Je suis mal à l’aise avec ma propre tête, mon propre cœur.
L’échographie commence et on voit enfin notre bébéluga dans la position la moins ergonomique possible. Mais qu’est-ce que sa face fait coincée comme ça dans le placenta? Pendant que la radiologiste mesure tout ce qu’elle peut et nous rassure sur la perfection de l’humain en formation, moi, je scrute son entrejambe sans arrêt. Puis, soudain, en noir en blanc, devant moi, je le vois.
C’est un pénis.
Je demande immédiatement à la radiologiste de confirmer. Elle me sourit : « Tu en doutes vraiment? C’est tellement clair! »
Dans cette seconde, l’image mentale de ma famille idéalisée s’est cassée, effondrée. Nous aurions (au moins) deux garçons. Dans cette seconde, j’ai aussi été envahie par un stress encore plus grand que celui d’avant. Celui de devoir offrir la plus belle et la plus saine des familles à ce petit garçon, de ne jamais le comparer à son grand frère, de lui faire sa place à lui et de toujours respecter ce qu’il sera. J’ai eu peur.
Et comme pour éloigner immédiatement le spectre de la comparaison, j’ai eu besoin de le nommer. Qu’il aille sa personnalité à lui, son identité. Et tout de suite.
« C’est Alphée!!! »
Puis j’ai regardé mon mari, aussi sonné que moi, les yeux ronds comme des billes, mais lui, avec une expression mi-amusée. « Ça va être drôle! » ,qu’il m’a dit.
Ouep, c’est vrai. Ça va être drôle!
En sortant de l’hôpital. J’ai envoyé un message à ma meilleure amie : « Finalement, ce sera un petit Alphée! » Comme elle me connaît vraiment bien, elle m’appelle dans les minutes qui suivent : « T’es pas trop déçue, ma belle? »