Hier, j’ai entendu les mots que je soupçonnais depuis un moment. Il y avait les signes et les pressentiments. Il y avait les lectures et les recherches que j’ai faites pour tenter de comprendre. Mais, même si je savais que les signes étaient là, même si la frontière entre mon impression et la réalité était bien mince, ce verdict m’a fait un choc. Un spécialiste de la santé a confirmé ce que je soupçonnais, et toutes les choses qu’on a traversées ont pris un sens différent et nouveau. Mon cœur de maman a été à la fois soulagé et meurtri. Hier, on m’a dit ce que je craignais: il y a un monstre dans la tête de mon enfant. Un monstre que je nomme Anxiété.
Depuis longtemps, déjà. Quand il n’avait que deux ans, on passait test après test pour comprendre pourquoi son petit corps réagissait si fortement aux stimulus extérieurs. À un moment, on m’a demandé si notre enfant vivait un stress intense, ou une situation difficile dans son quotidien. « Pas de séparation, changement de garderie, l’arrivée d’un autre enfant ? » Moi, je répondais par la négative, et intérieurement, je ne voyais pas ce qui pouvait intimider un enfant tranquille et jovial comme le mien.
Puis, il y a eu d’autres signes au fil des ans, sans que je ne les comprenne. Des changements dans son cercle d’amis qui tuaient son sourire pour des jours. Des nuits blanches avant un premier jour d’école. Un désintérêt face à une situation plus délicate. Un refus de manger après une journée pénible. Je me disais que mon enfant était sensible, un peu mélancolique. Mais, un matin, à son réveil, je lui ai annoncé une terrible nouvelle. Son grand-papa s’était couché pour ne jamais se réveiller. Son père était parti là-bas pour quelques jours, et on irait le rejoindre dès que ce sera possible. Mon enfant me posait sans cesse la même question: « Quand ? ». Et devant mon incapacité à lui donner une réponse précise et immédiate, son monstre a surgi devant moi: tremblements, respiration difficile, sanglots incontrôlables. Il m’a fallu plusieurs minutes pour le calmer et le ramener avec moi. Des minutes que j’ai trouvé interminables. Ce n’était pas seulement un immense chagrin face à la mort, c’était bien pire. C’était une peur viscérale, paralysante.
C’était la première fois que je voyais distinctement la silhouette de ce monstre. J’ai commencé à faire mes recherches, à demander des avis aux personnes de mon entourage. Tranquillement, les liens que je tissais formaient un mot dans le canevas de ma pensée: ANXIÉTÉ. Ce n’était pas seulement que mon enfant était émotif, sensible. Il y a quelque chose de tapi au fond de lui, quelque chose qui peut tuer sa joie, l’enfermer dans un brouillard et mélanger sa confiance en lui. Il y a en lui une peur qui l’empêche de poursuivre le cheminement normal de ses jours.
Ces derniers temps, le monstre s’est manifesté souvent, violemment. À un point où il prend tellement de place qu’il perturbe notre quotidien. Je ne sais pas comment apprendre à mon enfant à dompter cette peur qui ne le quitte plus. Je sais que le monstre restera toujours là, dans un recoin de son esprit. Je sais qu’ils devront apprendre à cohabiter. Je sais aussi que lorsque la vie sera trop stressante, la tension trop forte, l’angoisse essaiera encore de prendre toute la place. Je veux ce qu’il y a de mieux pour mon enfant, je veux lui donner toutes les chances d’être heureux. Je veux qu’il dispose d’outils, de repères et de mécanismes pour s’épanouir malgré cette ombre qui le suit pas à pas.
J’ai décidé de l’amener consulter à un niveau plus élevé, car j’ai besoin d’aide pour mon enfant, pour que nous affrontions cela ensemble. J’ai un peu peur, d’autant que je crois que le monstre vit dans ma tête aussi.