Dans la première partie de ce texte, je vous ai raconté la fois où j’ai subi une agression au travail alors que j’occupais un emploi étudiant dans une pharmacie.
Quand je suis retournée chez moi, j’en ai parlé vaguement à mes parents qui m’ont incitée à contacter la police. J’ai aussi reçu un appel de mon patron le lendemain pour confirmer ce que j’avais écrit dans ma lettre. Il m’a expliqué qu’il avait déjà communiqué avec l’agence qui employait ce livreur pour faire une plainte et exiger qu’il ne revienne plus à notre pharmacie. J’ai sincèrement apprécié le geste, mais c’était trop tard. J’ai refusé de retourner travailler à l’entrepôt.
Aujourd’hui, je suis maman de 4 merveilleuses petites filles, et j’ai sincèrement peur pour elles. Je me sens impuissante face aux comportements des autres. Je ne pourrai pas empêcher mes filles de croiser de potentiels agresseurs. Je n’ai aucun pouvoir pour prévenir les gestes déplacés des garçons* à leur endroit. Je ne pourrai pas les protéger, sur leur lieu de travail, des collègues pervers. Ces risques sont hors de mon contrôle. On vit a une époque où une dénonciation est trop souvent qualifiée de diffamation, et où on semble oublier qui est la victime.
Cependant, je peux les préparer. Je peux anticiper, sans tomber dans l’excès. J’ai mis un point d’honneur à leur enseigner le concept du consentement. Dès leur plus jeune âge, elles savaient que leur corps leur appartient. Elles ont toujours été fortement encouragées à le respecter, et ce, dans toutes circonstances, avec des proches comme avec des inconnus. Elles savent mettre des limites aux gens et se faire respecter. À chaque fois qu’elles le font, je suis immensément fière d’elles. J’essaie aussi de leur montrer quoi faire si elles vivent une situation dans laquelle elles sont inconfortables. Je veux qu’elles puissent réagir. Qu’elles m’en parlent. Qu’elles sachent qu’elles ne seront jamais seules et que je vais toujours les soutenir et les encourager.
J’ai commencé la première partie en disant que je n’étais pas certaine de vouloir écrire ce texte. En fait, je n’étais pas certaine de pouvoir. Je crois que n’avais pas envie de me replonger dans les souvenirs de ces événements. Je pense aussi que je n’avais pas envie de mettre des mots sur ma peur parce que tant qu’elle reste dans ma tête, en pensées, c’est moins concret, moins réel. Je peux toujours me dire que j’exagère ou que je suis trop mère poule. Sauf que c’est un sujet important, vraiment important. La vague de dénonciations actuelle montre toutes ces femmes au courage immense qui ont vécu de terribles choses, mais qui choisissent de prendre la parole. Et elles ont raison. Il faut qu’on en parle.
*Statistiquement, 96,8 % des agresseurs sont des hommes (Sécurité publique, 2013) et 78,1% des victimes sont des femmes (Sécurité publique, 2013).