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Le racisme, un cycle qui doit être brisé par les parents
Crédit: Cynthia Cianciusi, cynthiacianciusi@com, @cyncianci

J’ai beaucoup hésité avant d’écrire ce texte. Je suis une femme blanche. J’ai été victime de discrimination dans ma vie, mais jamais en raison de la couleur de ma peau. Mais c’est en parlant à ma grand-mère – God bless her soul, comme ils disent – que je me suis rendu compte que c’était ma responsabilité de le faire, d’écrire ce qui me trotte dans la tête.

« Es-tu allée aux manifestations pour la défense des droits des noirs ? » m’a-t-elle demandé.

« Oui, bien sûr. »

« Ton mari y est allé aussi, j’imagine, comme ça le concerne. »

« Ça nous concerne tous, grand-maman. »

 

Je suis une femme blanche. Mes enfants, eux, sont noirs. Ils sont mixtes, mais on verra toujours leur mélanine d’abord. C’est la règle de l’unique goutte de sang. Et ça, ça veut dire qu’ils seront fort probablement traités différemment de leurs amis blancs. Qu’ils n’accéderont peut-être jamais aux mêmes postes que leurs camarades de classe. Qu’ils se sentiront moins bien représentés à la télé, dans des publicités ou sur les bulletins de vote que leurs collègues de travail.

Photo prise par Cynthia Cianciusi, cynthiacianciusi, @cyncianci

 

Il y a quelques semaines seulement, une fillette blanche d’âge scolaire pointait ma fille du doigt au parc en s’exclamant: « t’es toute brune ! » À Montréal. En 2020.

 

Kiara, se sentant observée comme une bête de foire, s’est trouvé d’autres amis avec qui jouer après que j’aie tenté de la rassurer en lui disant que la petite fille ne faisait sans doute qu’un simple constat. Il y a aussi les sceptiques : « c’est pas ta mère, elle ! » ou encore les curieux qui veulent donc toucher aux cheveux. Aux siens ou à ceux de mon mari parce que des dreads c’est ben fascinant. Pourquoi est-ce qu’on se donne le droit de toucher certaines personnes comme on flatte un animal au zoo ?

 

On me dira que tout ça, c’est de l’ignorance. Même à Montréal. En 2020. Le racisme n’existe pas, ici, dans notre beau Québec où les gens sont si ouverts d’esprit. Même notre Premier ministre y croit à peine. Pourtant, au-delà des situations quotidiennes anodines comme le flattage de cheveux, il y a des statistiques qui reflètent la réalité des Québécois de couleur. Des statistiques qui démontrent que mes enfants pourraient facilement devenir victimes de profilage racial dans leur vie. Selon un rapport de 2019 sur la discrimination systémique au SPVM*, à Montréal, les personnes noires de 25 à 34 ans ont cinq fois plus de risques de se faire interpeller par la police que les personnes blanches du même âge. Les personnes noires gagnent aussi beaucoup, beaucoup moins pour chaque dollar empoché par un homme blanc. Mes enfants comprendront ces inégalités tôt ou tard, certainement plus tôt que leurs amis blancs.

 

Sauf si on commence à réellement faire du racisme l’affaire de tous. Si ma grand-mère ne se sent pas tellement concernée par les droits de ses petits-petits-enfants, ma mère, elle, nous a poussés à ouvrir nos horizons. Elle a brisé le cycle et, chez nous, il restera brisé. C’est ma responsabilité comme c’était ma responsabilité d’écrire cet article. Comme c’est la responsabilité de tous les parents québécois d’écouter les personnes de minorités visibles qui les entourent en ne banalisant pas leurs expériences, de corriger leurs propres comportements et d’éduquer adéquatement leur progéniture pour que nos enfants, quelle que soit la couleur de leur peau, puissent aspirer à un avenir meilleur.

Photo prise par Cynthia Cianciusi, cynthiacianciusi, @cyncianci

 

*Source: Les interpellations policières à la lumière des identités racisées des personnes interpellées: Analyse des données du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) et élaboration d’indicateurs de suivi en matière de profilage racial (Rapport final remis au SPVM) 

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