Pendant ma grossesse, la plupart des gens me demandaient si je désirais allaiter. Je trouvais le questionnement un peu déplacé, mais je répondais franchement que j’en avais aucune idée, que j’essaierais et que je verrais. Toutefois, ma réelle volonté, c’était que je rêvais que ça fonctionne. Je voulais vivre ce moment-là avec mes filles au plus haut point. Je répondais évasivement parce que j’avais peur d’un possible échec ou bien que mon corps choke et ne produise pas assez de lait.
Dès leur naissance, on a travaillé fort pour que les filles prennent le sein. Pour l’une, tout se passait bien. Pour l’autre, c’était plus difficile. Équipée d’une bouche miniature, elle avait beaucoup de difficulté à s’accrocher et à téter. Leur perte de poids rapide nous a convaincus de les supplémenter tout en continuant l’allaitement.
De retour à la maison, on a continué l’allaitement en tandem pendant quelques jours, mais maintenant sans aide, nous nous sommes découragés avec Marianne qui avait plus de difficulté. Je me suis donc mise à tirer mon lait d’un sein pendant que Camille tétait. J’avais toujours un boire d’avance pour Marianne. J’étais heureuse. Elle buvait tout mon lait et parfois nous devions lui donner un peu de maternisé. Elle mangeait bien et prenait enfin du poids.
Puis vint le moment où ma production ne leur suffisait plus. J’ai lu des articles sur le dompéridone puis je me le suis fait prescrire. Pleine d’espoir, j’ai pris la médication 5 semaines et je n’ai perçu aucune augmentation.
À chaque boire, Camille devenait irritable quand je la nourrissais. Elle chignait beaucoup. Je trouvais ça très difficile. Je sentais que mon corps nous abandonnait, mes bébés et moi. Je me sentais coupable de ne pas être en mesure de les nourrir convenablement. Après plusieurs nuits difficiles à méditer ma décision, j’ai décidé d’arrêter d’allaiter Camille. J’ai eu beaucoup de support de mes proches qui me disaient que c’était la meilleure décision pour moi. J’étais épuisée. Physiquement et mentalement.
L’allaitement aura duré 7 semaines en tout. J’ai continué à leur tirer mon lait et à leur donner à parts égales 4 semaines de plus. Elles ont maintenant trois mois et prennent exclusivement du lait maternisé. Bien que je sache que ça ne devrait pas être ainsi, je ressens toujours un grand vide et une grosse dose de culpabilité. J’aurais aimé accomplir plus. Je m’ennuie de ces moments-là. Je tirais beaucoup de fierté de chaque goutte de lait qui tombait dans la bouteille du tire-lait. Ou encore du petit bras de Camille qu’elle mettait dans son visage quand elle avait assez mangé.
Je tente maintenant de faire la paix avec mon corps. Ce que je perçois comme une trahison de sa part n’était peut-être qu’une alarme pour éviter le burn-out. Je m’énumère donc régulièrement les côtés pratiques que les petites soient nourries au biberon. Je vois énormément d’avantages, mais persiste ce petit vide plein de nostalgie.
Vide que j’ai bien du mal à combler.