J’ai toujours eu une complicité hors pair avec ma mère. Nous partagions les mêmes passions, écoutions les mêmes séries télé, suivions les mêmes cours d’aquaforme et de mise en forme, étions dans la même chorale. Nous avions énormément de plaisir ensemble et il n’y avait aucune limite aux confidences. J’avais sincèrement une relation parfaite avec elle.
Je suis tombée enceinte à 28 ans. Un rêve que je caressais depuis mes 15 ans. J’étais prête. Je me suis renseignée avant d’accoucher. J’ai lu. Beaucoup. J’ai posé des questions à mes amies déjà mamans. Beaucoup. J’ai passé du temps avec des bébés. Beaucoup.
Puis, j’ai accouché. En confiance et sereine. En voulant développer mon instinct maternel. En voulant suivre mes convictions. En sachant où je m’en allais, ou presque. Du moins, j’étais d’attaque pour affronter mon nouveau rôle. Mais ma mère n’était pas du même point de vue que moi. Elle avait ses idées préconçues de la maternité. Je devais absolument faire ça de telle façon pour que ça fonctionne avec ma fille. Je devais absolument faire de telle manière pour obtenir un bon résultat. Comme s’il n’y avait qu’une bonne option pour élever un enfant. Comme si aucune autre façon de faire, autre que la sienne, n’était la bonne.
Même si je lui disais que les temps avaient évolué, que la science avait trouvé de nouvelles données, mais surtout, qu’il n’y avait pas de mode d’emploi parfait pour éduquer un enfant… rien à faire. Elle se fiait sur ses expériences passées, et allait même jusqu’à lire son Mieux Vivre de 1988 pour me confronter. Dans son Mieux Vivre et selon ses méthodes, il est possible de donner du lait Carnation – WHAT? – à un bébé au lieu d’une préparation commerciale pour nourrissons et de donner du miel à un enfant de moins d’un an. Elle, elle avait fait ça comme ça. Donc, je devais impérativement le faire comme ça aussi.
Et plus je m’entêtais à m’écouter, moi, et à suivre mon instinct et mes connaissances, plus elle se sentait insultée et fâchée que je ne suive pas ses conseils. J’avais beau lui dire qu’elle avait fait un bon travail avec ma sœur et moi et qu’elle était une mère incroyable, beau lui dire que je respectais les décisions qu’elle avait prises pour nous, beau lui dire que je gérais bien la situation avec ma propre fille, beau lui rappeler que j’étais maintenant mère, adulte, majeure, confiante et informée… la situation ne faisait que s’envenimer. Elle voulait trop s’impliquer et prenait pratiquement plaisir à juger chacun de mes choix.
Un jour, elle m’a dit qu’elle était fière de ma sœur, puisqu’elle éduquait son enfant comme elle l’avait fait avec nous. J’ai lu entre les lignes. Ma mère, ma propre mère, était déçue de moi. Officiellement. Parce que je m’occupais de mon enfant à ma façon. En étant moi-même et en respectant qui j’étais.
Ma fille soufflera ses trois bougies bientôt. Elle est épanouie, brillante, polie. En bref, je pense que j’ai réussi, jusqu’à présent, à lui offrir le meilleur de moi, et ce, même si je n’ai pas suivi LE parcours que j’aurais peut-être dû suivre, selon ma mère du moins… Ma relation avec ma mère, quant à elle, est à son plus bas. Nos passions communes se sont dissipées. Nous ne partageons plus de cours ensemble. Nous n’avons plus de confidences. Elle est une grand-maman exceptionnelle et essentielle pour ma fille. Mais notre complicité, à elle et moi, d’avant ma grossesse, n’est plus. Notre lien si unique s’est brisé le jour où j’ai donné la vie.
Le plus gros échec de ma maternité est d’avoir perdu ma mère au moment d’accoucher. Et je sens qu’il n’y a plus aucun retour en arrière possible. Je m’ennuie de ma mère. Celle d’avant. Plus que jamais.
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