Cette image que me renvoie le miroir est celle d’une femme aux traits peu harmonieux, au corps imparfait et insatisfaisant. Je n’aime ni m’y regarder, ni me voir en photo. Je sais que c’est le lot de beaucoup de femmes, pour qui la pression d’être belle, attirante et désirable est grande. Pourtant, dans le regard des autres, je semble belle et charismatique puisque je plais beaucoup et je me fais souvent complimenter. Est-ce que mon miroir est brisé? Non, ce sont mes yeux, semble-t-il, qui déforment la réalité.
Je souffre de dysmorphophobie corporelle, ce qui signifie que je ne me vois pas telle que je suis. Lorsque je me regarde, c’est l’image d’un miroir déformant que mon cerveau reçoit. On a beau me l’expliquer; je n’arrive pas à me voir autrement ou telle que je suis réellement. Me trouver jolie est impossible. Il fut un temps où ça me rendait malheureuse. Mon poids jouait au yoyo mais, peu importe le chiffre sur la balance, le reflet dans le miroir restait le même: pitoyable, décevant. Quand je m’arrête un instant, j’ai beaucoup de peine, car les années passent et, un jour, je serai vieille et aurai-je au moins une fois réussi à me trouver jolie?
La première fois que quelqu’un m’a parlé de cette réalité, c’est lors d’un 5 à 7 avec des collègues. Parmi les invités, il y avait une psychologue qui m’avait déjà croisée quelques fois auparavant. Elle est venue m’aborder, sans passer par quatre chemins; pour elle, c’était une évidence. Ce qu’elle avait observé résonnait en moi, elle semblait avoir mis le doigt sur quelque chose. Je me dénigrais sans m’en rendre compte, mon non verbal trahissait ma faible estime corporelle et pourtant, elle disait me trouver magnifique. Il semblait aussi que j’étais en recherche constante du regard de l’autre, de l’approbation de mes pairs, alors qu’au contraire, les compliments, je n’y crois jamais. On a beaucoup parlé et elle m’a conseillé de lire sur le sujet et ça m’a aidée. Prendre conscience que je ne suis pas réellement cette image dans le miroir a eu l’effet d’un certain réconfort. La beauté ce n’est pas tout, certes, mais ça nous influence dans toutes les sphères de notre vie. Les défis sont grands dans l’acceptation de soi, encore plus lorsqu’on n’arrive jamais à se voir telle que l’on est.
En devenant maman, mon souhait le plus cher était que mes enfants s’aiment et aient confiance en eux. J’ai toujours cru que la personne que l’on doit aimer en premier, c’est soi-même. Tout récemment, ç’a mené ma réflexion sur tous ces filtres qu’on utilise sur nos photos et leurs effets sur la perception de soi. Nos enfants y sont confrontés très tôt. Il y a les filtres d’animaux ou de monstres rigolos qui me semblent assez inoffensifs. Toutefois, qu’en est-il de ceux qui lissent le visage, grandissent les yeux et rapetissent le nez? À long terme, j’ai peur qu’ils contribuent à nuire à l’image que mes enfants ont d’eux-mêmes. Selon certains médecins, ces filtres peuvent mener à une dysmorphophobie corporelle et je ne souhaite ça à personne. Plusieurs jeunes filles avouent ne plus pouvoir se prendre en photo sans filtre. Est-ce qu’on se dirige tout droit vers une génération mal dans sa peau? Pour ma part, je fuis ces applications. De toute manière, je n’arrive pas à m’identifier à ces images modifiées et j’ai déjà bien du mal à m’accepter telle que je suis réellement.
Devrions-nous aborder le sujet des conséquences des filtres sur l’image corporelle avec nos jeunes à l’école? Est-ce que c’est quelque chose qui vous interpelle?
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