Nous étions le 11 mars 2020. La dernière journée de ce que j’appelle simplement « Avant », alors qu’on avait encore le droit de se déplacer pour le plaisir. On n’avait aucune idée qu’en 48 heures, notre quotidien allait complètement basculer. J’étais assise dans la salle d’attente du bureau de mon gynécologue, avec une longue boîte au fond de mon sac. Un si gros emballage pour un si petit dispositif; j’en avais des frissons d’inconfort. J’attendais patiemment que l’infirmière m’appelle et qu’on m’insère un stérilet avec hormones.
Un mois plus tôt, lors de mon rendez-vous annuel, nous avions convenu qu’un stérilet serait probablement la solution à mon problème. Parce que mon utérus et moi, nous avons une longue histoire d’amour-haine; il est irrégulier, capricieux et ne semble pas vouloir loger un fœtus. J’ai des règles titanesques qui me rendent malade presque chaque fois. On a beaucoup investigué, mais aucun médecin n’a pu mettre des mots clairs sur mon problème. Ils ont bien quelques pistes, mais je ne cadre pas à 100% dans un diagnostic. Moi, pourtant, je le sens que quelque chose ne fonctionne pas. Tant de règles douloureuses, tant de bébés perdus. Une seule grossesse à terme. Avec le temps, j’ai arrêté de vouloir un mot à mettre sur mon inconfort, je veux juste me sentir mieux.
Donc, mon gynécologue m’a dit qu’un stérilet avec hormones serait l’idéal pour moi : un débit constant d’hormones et des règles réduites à leur plus simple expression. Comme j’ai (presque) fait mon deuil de la maternité, le côté contraceptif n’était pas un obstacle majeur. Je veux juste me sentir un peu plus « normale ».
Lors de l’intervention, mon médecin a vaguement passé en revue certains effets secondaires possibles. Malgré tout, je ne m’attendais pas à ce que j’ai vécu : mon corps a bizarrement réagi. Les symptômes d’un début de grossesse, je les tous eus. En prime, j’avais des crampes et des saignements assez importants. Et que dire de mon humeur en montagnes russes. Ça a été 5 longues semaines, éprouvantes physiquement et moralement, qui ont coïncidé avec le confinement.
Je me considère comme une personne ayant un excellent self-control… au point où cette « qualité » peut devenir un défaut. Je me laisse rarement aller à la colère et à la panique, je garde tout ça en dedans et quand le stress est là, je suis celle qui garde la tête froide et qui apporte des pistes de solutions. À l’intérieur, mes émotions se déchaînent, mais à l’extérieur, je suis la force tranquille. Ou plutôt, je VEUX être la force tranquille pour tous ceux que j’aime.
Ces dernières semaines, je n’étais plus moi-même. J’ai pleuré comme un bébé devant mon fichier Excel qui ne voulait pas fusionner correctement. J’ai crié après ma famille pour pas grand-chose. J’ai passé des heures en boule dans mon lit, prise par l’anxiété que je n’arrivais pas à calmer. Au point où mon chum m’a dit qu’il ne m’avait jamais vue ainsi, malgré toutes les épreuves que nous avons traversées. Je n’arrivais pas à dire si la source du problème était la situation particulière créée par le confinement ou si c’était plutôt mon corps saturé d’hormones qui avait perdu le contrôle. Le stérilet et la pandémie ne font décidément pas bon ménage pour moi.
Avec un petit recul, je crois que l’élément déclencheur, c’était probablement la perte de contrôle. Je ne contrôlais ni mon corps, ni ma tête, ni la situation. J’ai besoin de projeter l’image que je suis forte et en contrôle, que les gens peuvent compter sur moi, que je suis celle qui pourra aider. Plus je donne aux autres, et plus je m’aime. Je suis constamment en compétition avec une version parfaite de moi-même. Autonome dans mes émotions et mes réactions, sans nécessité d’aide extérieure.
Mais au cours de la dernière semaine, j’ai fait quelque chose que je n’ai pas fait souvent: j’ai parlé à cœur ouvert avec certains membres de ma famille et avec mon conjoint. J’ai mis des mots clairs sur ce qui ne va pas. J’ai dit ce que je désirais dire, sans détour ni artifices. Sans colère ni ambition. J’ai réalisé que ce que je suis capable de vous écrire et qui se fondera dans l’anonymat, je suis incapable de le prononcer devant les personnes les plus chères à mon cœur.
Il y a du positif dans chaque chose. Mon corps semble maintenant vouloir accepter mon stérilet. Ma tête et mon cœur semblent vouloir accepter le fait que ma carapace doit tomber. J’ai le droit d’être dépassée, j’ai le droit de le dire. J’ai le droit de demander de l’aide.
NDLR: Le stérilet (avec ou sans hormones) est une contraception qui a fait ses preuves et qui est sécuritaire (source: Fédération du Québec pour le planning des naissances). Chaque personne peut réagir différemment aux diverses options de contraception disponibles. Discutez avec votre médecin si vous désirez adopter une nouvelle méthode de contraception, si vous voulez changer celle que vous utilisez présentement, ou si vous ressentez des effets secondaires indésirables. Seul.e votre médecin est en mesure de vous conseiller adéquatement.
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