Plus le confinement avance, plus je me sens anxieuse et plus mes vieux démons resurgissent.
J’ai eu des problèmes d’alcool plus jeune. Avant d’être maman, j’étais « la fille sur le party ». Dans ma vingtaine, on me voyait comme la funny girl avec qui on est sûr.e de s’amuser, celle avec qui on est pas mal certain.e d’aller se coucher aux petites heures du matin. J’avais tellement bien endossé ce rôle-là que je me suis perdue là-dedans. Début vingtaine, je buvais pour faire la fête. Fin vingtaine, je faisais la fête pour boire.
Je me souviendrai toujours du regard de mon chum, le soir de mes 29 ans. Alors que je m’endormais sur le bol de la toilette, il m’a dit froidement : « Tu as un problème avec l’alcool ».
Le choc.
Le lendemain matin, il a voulu qu’on en parle. Moi j’ai refusé la vérité. Dans le déni, j’ai envoyé chier mon chum, mais ma colère face à ses remarques me prouvait bien qu’il avait raison et que je devais me rendre à l’évidence : doucement, je devenais alcoolique.
Étant de nature battante et plutôt extrême, j’ai arrêté de boire du jour au lendemain, sans en parler à personne. J’avais besoin de me prouver que j’étais dans le contrôle. Je n’en parlais même pas à mon chum. Il n’avait pas besoin de connaître mon combat interne. J’étais fière de me prouver que je n’avais pas besoin d’aide de personne. Je me sentais plus forte que jamais.
Mais un mois plus tard, j’ai craqué, j’ai recommencé à boire. « Juste un verre pour l’anniversaire de mon frère », je me suis dit. Oh et pourquoi pas un autre, après tout, c’est pas sa fête tous les jours! J’ai finalement bu une bouteille de vin toute seule et je suis même partie de la fête à mon frère pour rejoindre « mes amis de party » (t’sais ces gens qui ne sont pas vraiment des amis, mais avec qui tu te soules si bien). Le lendemain midi, je me suis réveillée en pleurant. J’avais tellement honte.
Les jours suivants, mon envie d’alcool revenait et après une brosse de trop, j’ai décidé d’aller voir un psychologue et d’aviser mon chum, qui vous vous en doutez, savais déjà que je souffrais de dépendance. J’avais peur qu’en avouant mes faiblesses, il me quitte. Mais il resté, sans jugement et avec une bienveillance inespérée.
Accompagnée d’une psychologue formidable et de mon chum, j’ai remonté la pente, et plus vite que je ne l’aurais cru. Trois ans plus tard, j’ai eu mes jumeaux. Enceinte, je n’ai pas vraiment eu de difficulté à m’abstenir de boire et quand ils sont nés, après l’allaitement, j’arrivais même à boire un petit verre, une ou deux fois par semaine, sans sombrer dans la surconsommation.
Problème réglé, que je me suis dit!
Seulement, depuis qu’on est confinés, le petit verre deux fois par semaine et devenu un verre chaque soir. Et ce verre-là ne me suffit plus. Le soir, quand les jumeaux dorment à poings fermés, je regarde avec envie notre placard à bouteille et je me retiens. Heureusement, mon chum est là, comme un garde-fou, mais l’envie est forte et j’ai peur de craquer.
Grâce au chemin que j’ai fait, à ma psy et mon chum, je sais que je vais tenir le coup. Mais je pense à toutes ces personnes isolées qui souffrent du même trouble que moi. J’ai envie de leur dire « n’attendez pas d’être au bord du précipice, allez chercher de l’aide au plus vite. Vous n’êtes pas seul.es. »
NDLR : Si vous (ou un proche) avez des problème de consommation, n’attendez pas, allez chercher de l’aide ici!
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