Tous mes rêves de le voir grandir se sont effondrés quand le médecin a prononcé ces quelques mots : « Je suis désolé… » C’était le début de la fin. La fin de la vie de notre garçon.
On m’a proposé, si je le désirais, de le tenir dans mes bras lorsque j’aurais accouché. Sur le coup, j’ai refusé. Je ne souhaitais pas en avoir une mauvaise image et trouvais ça limite morbide… Un peu comme les gens sur leur lit de mort qui refusent de voir leur entourage pour ne pas leur laisser cette « mauvaise image » d’eux. Mais dans le cas d’un bébé à naître, il n’y a que des images mentales, des rêves que l’on s’était faits. Quel serait l’impact de l’avoir dans nos bras dans un contexte complètement différent de celui que nous avions imaginé?
Malgré notre réponse rapide, nous avons eu le temps d’y réfléchir. Après quelques lectures sur le deuil périnatal et la rencontre avec la psychologue de l’hôpital, nous avons tous deux changé d’avis. Aujourd’hui, je suis tellement heureuse que nous ayons décidé de le voir. Sans quoi, j’aurais encore plus de difficulté à croire que tout ça est réellement arrivé et que la peine que j’ai aujourd’hui à une raison d’être, que je dois lui laisser sa place.
Nous avons demandé de le voir quelques heures après l’accouchement. J’ai eu la chance de le tenir dans mes bras. Son papa aussi. C’était le moment le plus difficile de nos vies. Nous étions remplis d’émotions. Un mélange étrange de tristesse et de fierté. À plus de 32 semaines de grossesse, il était tout développé. Jusqu’à ces jolis petits orteils, ses longs cheveux noirs et ses fins doigts de pianiste. Il aurait été le portrait de son père…
Le plus dur est d’arrêter de s’imaginer l’avenir. Cet enfant, pour lequel on se préparait à changer nos vies, avait une grande place dans notre imaginaire. Il avait une famille qui l’aimait et l’attendait avec impatience. On rêvait du jour où l’on pourrait aller faire une balade à vélo avec lui attaché au vélo de son père. On s’imaginait déjà lui mettre les petits habits confectionnés par son arrière-grand-mère. On avait hâte de voir ses yeux briller lorsqu’on allumerait le sapin de Noël l’an prochain.
Et maintenant, nous ne connaîtrons même jamais la couleur de ses yeux…
En souvenir, nous regardons aujourd’hui les quelques photos prises de ce moment où nous l’avons eu dans nos bras. L’hôpital nous a également remis son empreinte de main et de pied que l’on conserve tendrement. C’est tout ce qu’il me reste de cette expérience. Ça et les souvenirs de Nolan dans mes bras alors que je lui chantais pour la dernière fois.