C’était il y a 13 ans, alors que j’en avais 19. La fille un peu mêlée que j’étais (et que je suis encore un peu), n’avait qu’une idée en tête : partir loin et partir seule. J’en rêvais depuis des mois. Tout ça s’est fait assez facilement. Pendant 4 mois, j’ai travaillé 7 jours sur 7, faisant passer mon compte en banque de 0 $ à 6 000 $. C’était suffisant pour moi. Mon chum de l’époque, de 15 ans mon aîné, avait été avisé dès le début de notre relation, quelques mois plus tôt, que je prévoyais partir en voyage en solo.
Puis, les X sur mon calendrier défilèrent, jusqu’au grand jour, le 10 avril 2007. Moi, qui n’avais vu rien d’autre que la Riviera Maya et Ogunquit, je m’apprêtais à m’envoler pour six semaines en Australie, avec pour seuls alliés mon Lonely Planet, mon sac à dos et mon anglais douteux. Après quelques étreintes rapides mais sincères à ma famille et à mon amoureux, je couru pleine de joie vers les douanes de l’aéroport.
L’aventure était devant moi, mais j’étais loin de me douter à quel point ce voyage représenterait un tout autre genre de défi pour moi. Les jours passèrent, les activités se multiplièrent. Sydney, Bondi Beach, le Great Ocean Road, Melbourne, Adélaïde, Cairns, Fraser Island, la Grande Barrière de corail, etc. Je vivais le rêve, ce rêve de liberté depuis si longtemps convoité.
Mon esprit était toutefois ailleurs. Au fond de moi, je me doutais bien qu’il se passait quelque chose. Il m’a fallu trois semaines avant d’avoir le courage de me rendre en pharmacie et d’acheter un test de grossesse. C’est dans mon auberge de jeunesse de la petite ville de Noosa, sur la côte est australienne, que j’ai appris la nouvelle. Même si une partie de moi le savait déjà, le choc de voir apparaître les deux lignes roses a été frappant.
Moi, 19 ans, seule en Australie, ne sachant pas du tout vers quoi je me dirigeais dans le futur, je me retrouvais enceinte de mon chum que j’aimais, mais avec qui je savais que je ne passerais pas ma vie. Je suis sortie dehors, je me suis assise sur une table à pique-nique, et j’ai fixé le vide. Une inconnue est venue me voir : – Are you ok? – I just found out that I’m pregnant. S’en est suivie une conversation dont je me souviens peu, mais elle m’a dit que si j’avais besoin d’aide, que si je voulais aller à l’hôpital, elle pouvait m’accompagner. Je n’ai jamais connu son nom, mais je la remercie d’avoir été là pour moi cette journée-là.
En 2007, il n’y avait pas l’internet d’aujourd’hui. J’ai annoncé ma grossesse à mon chum de l’époque dans une cabine téléphonique de Brisbane, et j’ai bien failli choker. Je me souviendrai toujours de ce bout de conversation. On était sur le point de raccrocher, on avait parlé une vingtaine de minutes, et avant qu’il raccroche je lui ai dit: « Attend, j’ai quelque chose à te dire. » Disons qu’il était très surpris.
J’ai appris ma grossesse à la moitié du voyage. Il me restait encore trois semaines à voyager. Trois semaines qui se sont passées dans la remise en question et dans l’apprivoisement de cette grossesse. Que faire? Le garder, ou ne pas le garder? Les journées avancèrent. Je voyais bien que j’avais pris du poids, que j’étais plus fatiguée. Je me suis mise à penser beaucoup à ce petit bébé. À flatter mon ventre aussi.
En fait, j’étais convaincue que c’était une fille. Je lui avais trouvé un nom: Koalie. Pour deux raisons. Quelques années auparavant, alors que je donnais des cours de natation, j’avais demandé à l’une de mes petites élèves de 3 ans comment s’appelait sa petite soeur, assise dans les bras de sa mère sur le bord de la piscine. Elle m’avait répondu « Coalie ». J’avais trouvé cela tellement joli. En réalité, elle s’appelait Coralie, mais ça, je l’ai su plus tard. L’autre raison est que Koalie ressemblait au mot koala, et que c’était un beau clin d’oeil à mon passage en Australie.
Donc, comme je le disais, mon voyage continua, jusqu’à ma destination finale avant mon retour à la maison: Alice Spring. Alice Spring se trouve en plein centre de l’Australie. L’endroit est désertique, c’est là que se trouve Uluru, aussi appelé Ayers Rock, la célèbre et mythique montagne de roche rouge, lieu sacré pour les autochtones australiens. Cette marche que j’ai faite autour de ce monolithe géant reste à ce jour un de mes souvenirs les plus forts. Durant 4h, j’ai marché, observant l’immense roche changer de couleur avec le soleil levant. 4h de marche/méditation pendant lesquelles j’ai fait la promesse à mon bébé de l’amener voir ce lieu un jour.
Puis, enfin, le jour du retour à la maison arriva.
[La deuxième partie de ce texte sera publiée demain.]
Vous avez une histoire à partager? Écrivez-nous au info@tplmag.com