Avant de former un couple, mon mari et moi avons été de bons amis pendant quelques années. Lors de notre première année d’université, alors que nous n’habitions pas dans la même ville, nous avons découvert que nous avions des sentiments amoureux l’un pour l’autre. Puisque nous ne pouvions pas changer d’université, nous avons dû composer avec la distance pendant deux ans. Deux longues années à nous voir une ou deux fois par mois et à devoir nous contenter du téléphone et de «MSN» (hé oui, nous ne sommes pas si jeunes!).
Heureusement, la distance n’est pas venue à bout de notre amour. Deux ans plus tard, alors que mon baccalauréat s’est terminé, je suis allée le rejoindre pour la poursuite de mes études. La première année, j’ai étudié très fort afin de me tailler une place dans le programme doctoral que je convoitais. Malgré le stress de ne pas réussir et la fatigue, mon copain me soutenait. L’année suivante, à ma grande joie, j’ai été acceptée au doctorat. Par contre, il serait faux de dire que mes cinq années d’études doctorales ont toujours été faciles. J’aurais souvent aimé pouvoir consacrer plus de temps et d’énergie à notre couple, mais mon copain a toujours été très compréhensif. Au cours de mon doctorat, nous nous sommes même mariés et avons développé la passion commune de voyager.
Lorsque j’ai terminé mon doctorat, nous avons pris la décision de revenir vivre dans notre région natale. Moins de deux ans plus tard, je suis tombée enceinte de notre première enfant. Nous étions alors ensemble depuis près de dix ans et nous savions que cet enfant allait nous amener à changer les «habitudes de vieux couple» que nous avions développé au fil des ans, mais jamais nous n’aurions pu nous imaginer à quel point. En effet, ma grossesse se déroulait bien et les échographies laissaient entrevoir un bébé en parfaite santé, mais la réalité a été toute autre. D’abord, dès sa naissance, notre fille pleurait sans arrêt et dormait très peu. Puis, les semaines ont passé et elle pleurait de plus en plus et dormait de moins en moins. Il lui arrivait régulièrement de pleurer jusqu’à 20 heures par jour et de s’endormir d’épuisement aux petites heures du matin. Malgré tout, un mois après sa naissance, mon mari devait retourner au travail. Nous étions tous les deux épuisés, mais il demeurait avec notre fille une partie de la nuit afin que je puisse dormir même s’il travaillait le lendemain matin. Jamais il ne m’a fait sentir que c’était mon rôle de rester avec notre fille toute la nuit puisque j’étais en «congé».
Puis, lorsque notre bébé a eu 3 mois, les inquiétudes ont réellement commencé. Elle continuait de pleurer constamment, mais son médecin a aussi découvert que son périmètre crânien n’évoluait pas suffisamment. Durant les mois qui ont suivi, plusieurs tests ont été réalisés afin que nous puissions comprendre l’origine de ses pleurs et de son petit périmètre crânien. J’étais inquiète, je pleurais constamment, je n’étais plus capable de manger, je perdais du poids, j’étais irritable et j’étais obsédée par son périmètre crânien. Inutile de vous dire que j’étais pénible à supporter pour mon mari, qui lui aussi avait à composer avec ses inquiétudes face à notre fille. À certains moments, je ne comprenais pas pourquoi il ne semblait pas aussi inquiet que moi. J’avais l’impression d’être seule au monde et d’être incomprise dans ma détresse. Malgré mon état qui laissait à désirer et les disputes que nous vivions à certains moments, il restait auprès de moi avec une patience dont peu de gens auraient pu faire preuve.
Lorsque notre fille a eu 8 mois, le verdict est tombé. Elle était atteinte du syndrome FoxG1, ce qui signifiait qu’elle ne marcherait et ne parlerait jamais, qu’elle aurait une déficience intellectuelle sévère à profonde, qu’elle ne voyait peut-être pas, qu’elle aurait des difficultés à s’alimenter, et j’en passe. Lorsque notre pédiatre nous a annoncé cette terrible nouvelle au téléphone, j’étais effondrée. Le diagnostic nous a toutefois permis de comprendre ce qu’elle vivait et de cesser d’être dans l’attente de réponses. Nous pouvions alors commencer à envisager des moyens concrets pour traverser cette épreuve ensemble. Durant les deux années suivantes, nous tentions de nous soutenir et de partager les responsabilités liées à la maladie de notre fille. Nous avons aussi été en mesure, d’un commun accord, de continuer de prendre soin de notre couple malgré le handicap. Nous avons même voyagé à deux reprises en amoureux et conçu bébé 2 lors de notre second voyage. Nous avons aussi convenu, alors que j’étais enceinte, de confier notre fille à une famille de répit une nuit par semaine pour nous reposer et nous retrouver. La vie reprenait tranquillement son cours malgré les défis.
Malheureusement, nous n’étions pas au bout de nos peines. En février 2015, notre fille est décédée subitement durant son sommeil alors qu’elle était en répit. C’est mon mari qui a eu la pénible tâche de me l’annoncer. J’étais enceinte de plus de 38 semaines et je dormais tranquillement à la maison lorsqu’il m’a appelée. Je crois qu’il s’agit de ce qu’il a fait de plus difficile dans sa vie. Il savait qu’il allait m’arracher le coeur en me disant que notre fille était probablement morte durant la nuit et qu’il fallait se rendre à l’hôpital pour la rejoindre et pour rencontrer un policier.
Le lendemain des funérailles de notre fille, notre fils est né. Nous vivions alors des émotions extrêmement contradictoires. Nous avons tenté de nous soutenir comme nous le pouvions, avec les blessures que nous portions chacun en nous. Trois ans plus tard, nous avons eu un troisième enfant, un autre petit garçon. Nos fils sont maintenant âgés de presque 5 ans et de 22 mois et sont en parfaite santé. Nous n’avons pas beaucoup d’occasions pour nous retrouver en amoureux, mais nous nous amusons toujours autant lorsque nous arrivons à le faire.
J’ai souvent lu que les parents dont un enfant a un handicap sont plus à risque de se séparer, ainsi que les parents qui perdent un enfant. Ayant vécu les deux, je suis heureuse de constater que nous sommes toujours ensemble et que nous nous aimons toujours. Je suis aussi très reconnaissante d’avoir pu vivre ces épreuves avec lui. Elles n’ont pas été plus faciles, mais nous avons pu nous soutenir et, de par sa personnalité, il a souvent su me calmer et me donner la force d’avancer.
Cette année, nous prendrons le temps de célébrer la St-Valentin en amoureux. Nous aurons peut-être le coeur un peu gros, car nous aurons souligné les 5 ans de décès de notre fille deux jours auparavant. Cependant, nous tenterons de nous rappeler la chance que nous avons d’être ensemble, d’avoir eu une si merveilleuse petite fille dans nos vies et d’être les parents de nos deux magnifiques garçons.
Avez-vous vécu des épreuves difficiles avec l’homme ou la femme de votre vie? Comment avez-vous pu les traverser?