Enceinte pour la première fois, en visualisant mon accouchement, je m’imaginais être emplie de belles pensées pour l’enfant à naître. Que je trouverais la force dans l’imminence de la rencontre à venir, magique et grandiose. La vérité, c’est que je n’ai même pas réalisé quand j’ai perdu mes eaux. Après m’être obstinée avec mon conjoint qui m’assurait que « non non tu ne fais pas pipi au lit, tu viens de perdre tes eaux », ma première pensée a été : « Mais je dois aller me laver les cheveux! Je ne peux pas accoucher avec mes cheveux sales! »
J’aurais bien aimé n’être que dans le moment, embrassant chaque contraction sans penser à autre chose qu’à la beauté de la vie. Mais dans la douche, pendant mon shampoing périnatal, j’étais fébrile, et surtout je me disais : « Oh non, la vaisselle est pas faite. Je ne veux pas revenir de l’hôpital avec un bébé neuf et qu’un tas de vaisselle pourrie m’attende à la maison. » Aussitôt sortie de la douche, j’ai commencé à remplir le lave-vaisselle.
Je me doutais bien que je n’étais pas la seule mère à avoir eu des pensées indignes de ce moment magique d’accueil de l’enfant à naître ou, à tout le moins, à des années-lumière de ce que je m’étais imaginé. Sortir un être humain de son corps, ça peut faire diverger les esprits les plus concentrés! Et puis, on se donne du courage comme on peut. Voici donc ce à quoi ont pensé les copines des TPL Moms durant leurs accouchements.
Les souffrantes
- Je vais mourir. Je vais juste mourir!, à mon premier accouchement.
- J’étais étonnée d’avoir mal autour. T’sais l’anneau de feu, je ne pensais pas avoir mal là. Personne me l’avait dit!
- J’ai pensé que l’inventeur de la péridurale méritait le prix Nobel de médecine.
- Je me suis dit une chance que je suis pas dans une maison de naissance en train de faire ça à frette parce que j’aurais toughé 17 secondes avant d’appeler ma propre ambulance.
Les spirituelles
- À un moment donné, j’avais tellement mal que tout ce qui me venait en tête, c’était le Je vous salue Marie…
- Je me souviens d’avoir maudit très fort Ève qui a mangé la pomme. Et pourtant je ne suis pas croyante ni même baptisée.
- J’ai accouché un vendredi 13, puis au travers des contractions, je me questionnais sur la potentielle chance ou malchance de mon enfant.
Les colériques
- Quand tout me déboulait dans la face, j’étais bien en criss. J’arrêtais pas de traiter le monde de cave dans ma tête : « mon chum se lève de sa chaise c’est un cave », « la fille change le poste de radio, je la déteste », « y veulent que je boive avec une paille la gang de cons ».
- À mon premier accouchement, en entrant dans la chambre d’hôpital mon chum a vu une illustration de véranda sur le bord de la mer pis m’a dit : « Imagine-toi sur le bord de l’eau ». J’ai pensé (pis dit fort) : « Oh just fuck off ». Je me souviens de l’infirmière qui a ri.
- J’ai insulté Denis Coderre à tous les nids de poule qu’on s’est pris, parce que des contractions aux 2 minutes en char, c’était vraiment douloureux.
- J’ai envoyé chier mon chum qui me parlait d’une des frasques de Trump : « Heille! Je suis en train d’accoucher. J’ai pas besoin d’informations anxiogènes! »
Les pratico-pratiques
- J’ai accouché prématurément et tout ce que je me disais c’est : « J’ai pas fini mes cours prénataux, je sais pas comment accoucher! »
- J’ai pensé à ce que j’allais pouvoir manger une fois débarrassée du diabète de grossesse!
- J’ai pensé « j’espère que je ferai pas caca » et surtout « ah non mon RDV chez l’esthéticienne était ce soir ». Mon chum les a d’ailleurs appelées en panique pour leur dire « ma femme sera pas à son RDV, elle est en train d’accoucher. Bye! »
Les bien élevées
- J’ai eu aussi des pensées futiles en début de travail comme avoir comme priorité que mon chum parte à l’épicerie m’acheter des raisins rouges et aussi que je suis en train de «salir» tout leur matériel (ballon, lit, etc.).
- À mon deuxième accouchement, j’ai fait 95 % du travail à la maison et on avait un colocataire temporaire. Je vocalisais dans la salle de bain en m’excusant de faire du bruit. Et j’avais une pensée pour mes voisins pour la même raison.
- J’ai eu une contraction qui ne «décontractait» plus, la petite a eu un choc vagal, on m’a fait soulever la langue (pour m’envoyer de la nitro en pouch-pouch) et j’ai pensé : « Mon doux, je pue de la bouche tant que ça? »
- Je pensais aux vagues (Isabelle Brabant) — j’avais pas encore d’épidurale, je savais pas que je me déciderais pour une césarienne, je pensais aux vagues, mais c’était moi qui étais dans la barque, et je voguais vers mon coco.
- J’avais prévu des belles images mentales de paysages en montagne, que je trouve très apaisantes, dont les Rocheuses que j’avais adorées lors d’un voyage il y a quelques années. Mais le jour J, la seule chose qui m’est venue c’est l’image de la ligne au fond de la piscine sur laquelle je me concentrais quand j’allais nager.
- Deuxième accouchement au nouveau CHUM, je regardais les lumières des tours du centre-ville et je me demandais ce que faisaient les gens qui étaient dedans. Il y avait aussi des ambulances près du Palais des congrès, un accident peut-être, je me questionnais là-dessus. Je regardais la ville vivre…