L’histoire que je vous écris est vraie. Tellement vraie qu’elle me semble invraisemblable lorsque je me la remémore. Je ne comprends toujours pas ce qui s’est passé…
Il y a six ans et demi, le courant était passé entre mon chum et moi. Le coup de foudre, quoi! Lui, il était célibataire depuis quatre mois. Moi, je venais de mettre fin à une relation de cinq ans. Elle, son ex, n’avait jamais fait le deuil de leur relation.
Elle, quand elle a appris qu’il était ailleurs, avec moi, je crois sincèrement que les « fuses » ont sauté. Plus de lumière. Il faisait noir. Une jalousie noire. Hydro n’est pas spécialisé pour ce genre de panne. Ce trou noir allait nous sombrer dans la peur, la colère, le stress et le manque de sommeil pendant presque une année. Bref, un cauchemar!
Lorsqu’on est victime de harcèlement et d’intimidation, on perd un peu le nord. C’est-à-dire que, malgré nous, toutes nos valeurs et notre savoir se dissipent en poussière, nous laissant ainsi vulnérables. Du moins, juste au début. On reste seuls, on n’en parle à personne par peur. Peur de notre bourreau, peur de l’opinion des autres, peur d’avoir peur.
Elle a commencé à nous espionner. Elle nous suivait en voiture. Elle se stationnait en face de notre logement, s’assurant d’avoir une vue VIP sur la fenêtre de notre chambre à coucher. Chaque fois que nous regardions par la fenêtre, elle y était. Et lorsqu’elle s’apercevait qu’on la voyait, elle quittait le stationnement pour y revenir quelques minutes plus tard, croyant que l’on ne s’en rendrait pas compte. En hiver, on pouvait voir ses traces dans la neige qui s’arrêtaient devant la fenêtre du salon. J’ai arrêté de compter les fois où elle s’est présentée à ma porte le soir.
Ensuite, elle nous a menacés. Nombreux sont les appels et les textos qui ont bombardé nos téléphones. On ne répondait pas, mais nous écoutions ses messages : « JE VAIS LA TUER!!! ». Nous avons tenté de porter plainte à la police. Mauvaise nouvelle, nous devions encore endurer sa violence et sa toxicité, car il fallait TOUT documenter. L’agent nous a informés qu’une plainte de harcèlement devait être supportée par des faits écrits et des preuves concrètes (bien évidemment), ce que nous n’avions pas puisque ça ne faisait que commencer. Il a tout de même pris la peine de l’appeler pour lui donner un avertissement. Et il nous a renvoyés à la maison avec des devoirs. La tâche la plus difficile: on ne pouvait pas bloquer son numéro puisque sans l’historique d’appels, il serait difficile de démontrer que son comportement était problématique.
Elle nous a intimidés au travail. La honte que j’ai éprouvée quand j’ai dû m’assoir avec mon employeur pour lui expliquer ce qui se passait était insupportable. Tous mes collègues devaient être mis au courant. Heureusement, j’avais les meilleurs collègues sur terre: lorsqu’elle se présentait sur les lieux, ils m’avertissaient et m’envoyaient dans la cuisine pour éviter tout contact avec elle. Elle désirait tellement désespérément une confrontation qu’elle avait envoyé des amies pour me sacrer une volée à la fin de mon quart de travail. Son plan a échoué, car un de mes collègues, qui terminait son quart 15 minutes plus tôt que moi, les a aperçues à côté de ma voiture et les a interpelées. Elles ont donc abandonné. Apeurée, je me suis rendue au poste de police pour leur raconter, encore une fois, ce qui venait de se passer. Mais rien. Ils n’ont rien fait. Je devais continuer à documenter les faits.
Elle, de son côté… Tout ce temps-là, je me demandais comment il était possible que personne de son entourage ne lui dise qu’elle allait trop loin. Pourquoi ses amies – elle devait avoir de bonnes amies – n’intervenaient-elles pas? Nous avions des amies communes et, à ma grande surprise, elles n’étaient pas au courant de son comportement ! Avait-elle honte de ce qu’elle faisait? C’est en parlant et en s’ouvrant aux autres que nous avons découvert qu’elle vivait une double vie; que son obsession était un secret.
Moi, de mon côté… Mon corps était en mode survie. Je ne comptais plus les nuits sans sommeil, sursautant chaque fois que j’entendais un bruit à l’extérieur ou à ma porte. La porte que je devais toujours verrouiller. Le bat de baseball, toujours prêt, dans le hall d’entrée. Planifier mes déplacements. Changer d’épicier. Le peu de sommeil que j’obtenais était perturbé par des cauchemars et des sueurs froides. Ma qualité de vie disparaissait. Je ne faisais plus confiance à personne.
La fin de la tempête… Peu à peu, les événements se sont espacés. Il faut savoir qu’on habite le même coin de pays et qu’il arrive qu’on se croise (mon cœur arrête de battre chaque fois que je la vois). Lorsque ces moments se présentent, elle me sourit et me salue, sincèrement, sans hypocrisie. Le courant est rétabli, comme si elle ne m’avait jamais fait de tort. Cependant, j’ai une réserve de doutes. Mes réflexes acquis me poussent à me méfier d’elle, même si je vois bien qu’elle est passée à autre chose.
Moi, ma plaie est fermée, mais je porte encore la cicatrice. Je me surprends encore à vérifier les voitures stationnées partout où je vais afin d’apaiser mes craintes. Je me surprends encore à regarder si elle se cache dans les buissons, si elle m’espionne par la fenêtre. C’est plus fort que moi, c’est un réflexe! Lorsque j’en parle, on me dit : « C’est fini ce temps-là, tourne la page! » ou encore « Arrête d’y penser! » ou encore « Tu capotes! ». On essaie constamment de minimiser mon traumatisme; ces personnes ne me comprennent pas.
Ce qui me perturbe le plus, c’est qu’elle ne m’a jamais présenté des excuses. Jamais. On se croise au moins une fois par mois. Rien. Depuis que je sais qu’elle est devenue maman, une question me vient toujours à l’esprit : comment réagirait-elle si elle voyait ses enfants subir le même traitement qu’elle nous a infligé? Parce que ses agissements n’ont pas seulement chamboulé ma vie, mais celle de mes parents, ma famille, mes amies, mes collègues…
On s’est longtemps sentis impuissants. Ce qui nous a sortis de cet état vulnérable, c’est qu’on s’est parlé, on s’est réconfortés et on s’est tenu les coudes serrés, ensemble.
Je n’aurai probablement jamais de réponses à mes questions, mais je l’accepte.
Je peux simplement me contenter d’écrire cette histoire comme une sorte de justice réparatrice. J’espère que les victimes qui me liront parleront et dénonceront leur bourreau. Vous n’êtes pas seules, allez chercher de l’aide.
J’espère que les harceleurs qui me liront seront reconnectés avec la réalité et iront aussi chercher de l’aide.
J’espère enfin qu’elle me lira, pour qu’elle sache comment elle a bouleversé ma vie…
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