Le poids des mots

Ce matin, comme chaque matin, mon fils joue dans le salon sous mon œil avisé pendant que je déguste mon café. Et comme chaque matin lorsque son père franchit le seuil de la porte, il pleure et se précipite vers la porte. Comme chaque matin, je le prends alors dans mes bras et lui dit que papa reviendra ce soir, je lui promets.

Mais ce matin, en prononçant ces mots, mon cœur s’est serré. Quand j’étais jeune, on m’a appris qu’une promesse, ça ne se brise pas. On ne promet pas des choses à moins d’être absolument certain.e de pouvoir les réaliser. Alors ce matin, en prononçant « je te le promets », j’ai eu un frisson. Et s’il ne revenait pas?

Depuis que je suis maman, j’ai promis tellement de chose à mon enfant:

« Fais dodo mon amour, on se revoit demain, promis. »

« Je te promets de toujours être là pour toi. »

« Je finis la vaisselle et on joue aux autos, promis. »

« On arrive bientôt à la maison, promis. »

« Papa revient ce soir, promis. »

Et s’il ne revenait pas? Et si la vie en décidait autrement?

Si j’avais finalement à dire:  « Papa ne reviendra pas mon amour, il est parti, tu as pleuré et je t’ai promis qu’il reviendrait, qu’il te serrerait dans ses bras comme chaque soir. Mais ce soir, il ne le fera pas. Il ne le fera plus. Il est parti trop loin, il ne te donnera pas ton bain ce soir ni demain. Il ne sera pas là pour te consoler après ta première défaite au hockey ni pour te montrer à faire du vélo. Il ne sera pas là pour ta graduation ni pour ton mariage. Je suis désolée, mon bébé, maman t’a menti. Je t’ai répété cette promesse tellement de fois que je ne pourrais les compter et pourtant, ma mère m’avait enseigné autrement. »

Je t’entends rire, je sors de mon brouillard, papa est revenu, il était seulement parti déneiger l’auto. Il est de retour, je te l’avais promis. Je te promets aussi de ne plus jamais te promettre de choses sur lesquelles je n’ai pas de pouvoir.

Ça vous arrive de vous égarer dans vos pensées et d’aller trop loin?