Enceinte, j’ai lu ce texte qui m’a beaucoup fait réfléchir. Mon collègue nous proposait de déterminer des valeurs familiales. C’est vraiment un exercice intéressant, mais on choisit ça comment, des valeurs familiales?
Puis, une amie m’a prêté le livre Libres enfants de Summerhill. Ce livre a été écrit dans les années 60 par A.S. Neill, un enseignant devenu directeur d’école. Ce dernier a fondé, en 1921, une école alternative où la liberté est au cœur de l’éducation. À travers les différents chapitres du livre, il nous présente des exemples concrets de méthodes utilisées pour permettre aux enfants de s’épanouir tout en étant pleinement libres. Les enfants sont par exemple libres d’assister ou non aux cours, donc libres de jouer ou d’étudier des matières scolaires. Les enfants établissent eux-mêmes, de manière démocratique, les règles qu’ils devront respecter dans l’établissement.
Ce qui m’a fascinée de cette lecture, c’est le constat que fait l’auteur à l’effet que la très grande majorité des enfants qui ont fréquenté son établissement ont choisi de suivre les cours magistraux et ont obtenu leur diplôme. Que lorsqu’il n’est contraint à rien, et lorsqu’il peut explorer à fond chacun de ses désirs et impulsions, naturellement l’enfant sera curieux, avide d’apprendre, et voudra tendre vers l’éducation.
La lecture nous ayant séduits, chéri et moi, nous avons choisi cette valeur comme l’une de celles qui régneraient au cœur de notre famille.
Il faut toutefois poser un fondement important : la liberté telle que pratiquée à Summerhill et dans mon foyer n’est pas l’anarchie. Un enfant libre n’est pas un enfant roi. La liberté d’un individu se termine dès que la liberté de l’autre est brimée. Par exemple, mon enfant peut jouer dans l’évier de la cuisine et jeter de l’eau par terre (il est libre de ses loisirs). Cependant ce n’est pas moi qui devrai éponger le plancher (sa liberté ne brimera pas la mienne en m’obligeant à nettoyer). Mon enfant apprendra donc les conséquences de sa liberté en ramassant ses dégâts. Alors que l’enfant roi aura fait des dégâts, et n’aura pas été contraint de les ramasser.
L’auteur de Summerhill lui-même convient que la démarcation entre liberté et encadrement pose un défi continuel. Le bon jugement doit s’exercer là comme ailleurs. L’auteur admet notamment que la sécurité doit primer sur toute forme de liberté. Ainsi, lorsque la liberté de mes enfants met en jeu leur sécurité, j’interviens. Par exemple, mes enfants de 2 ans sont tout à fait capables de décider s’ils veulent ou non être attachés dans leur poussette : les conséquences possibles sont minimes, et le risque calculé. Cependant, en auto, jamais je ne leur laisse la liberté d’être attachés ou non. De même, laisser des enfants de 2 ans jouer jusqu’à s’épuiser le soir sous prétexte de ne pas entraver leur liberté est inapproprié et ne pourra que rendre toute la maisonnée irritable et irritée ; c’est à l’adulte de mettre un horaire de vie et de sommeil en place.
Parce que la liberté est un concept vaste, et que c’est une valeur qui me tient à cœur, je rédigerai quelques textes à venir, pour illustrer comment la liberté est offerte à mes enfants en fonction de leur âge.
Pour les intéressés, l’école Summerhill existe encore, a toujours la même philosophie et est maintenant dirigée par la fille de son fondateur.