Ce que je vais vous raconter est arrivé il y a déjà plus d’une décennie. Mais chaque canicule que j’ai connue depuis me rappelle ce mois d’août 2007, alors que je trimballais mon ventre de 8 mois sous une chaleur humide.
Je n’ai presque rien à reprocher à ma grossesse, mon corps l’a tellement bien supportée. Peu de nausées, de l’énergie à revendre. À part les désagréables crampes aux mollets qui me réveillaient parfois, je me suis sentie bien dans ma peau à chacune des étapes.
Jusqu’à ce qu’arrive le mois d’août.
Avec le début de mon congé sont arrivées des vagues de chaleur entrecoupées de peu de journées fraîches. Des journées lourdes d’humidité, celles qui font qu’on a de la misère à bouger ou à respirer. Je ne sais pas si c’est dû à mon état qui en a augmenté les désagréments, mais je ne me souviens pas avoir eu aussi chaud de toute ma vie (même peut-être l’été dernier).
Je m’encourageais en me disant que je n’avais que deux petites semaines à tenir, même en allant au maximum de mes 40 semaines. Mais quand est venue « ma date d’expiration », comme je trouvais rigolo de la nommer, mon col restait obstinément fermé, aucune contraction ne venait me surprendre. Le mercure continuait de monter, mon enfant continuait de se prélasser et moi, j’avoue que je n’en pouvais plus.
Chaque jour, je me levais en affirmant: « C’est aujourd’hui que ça se passe! ». Je faisais de la projection mentale, comme un enseignant d’éduc’ m’avait jadis donné comme truc pour réussir à scorer ou juste à ne pas tomber. Mais, la projection mentale ne semble pas efficace sur les impulsions de mon corps; elle n’a jamais amélioré ma coordination tout comme elle ne m’a pas fait accoucher plus vite.
Et le temps passait, il faisait chaud, c’était collant. Je passais le plus clair de mes journées assise devant l’air climatisé, au maximum de sa capacité, en la maudissant de ne pas savoir me rafraîchir adéquatement. Et tous ces maux de grossesse qui m’avaient jusqu’alors été inconnus sont tous débarqués dans la même semaine: insomnie, nausée, perte d’appétit, brûlement d’estomac.
Aujourd’hui, je suis capable de dire que j’ai adoré porter mon enfant. Vers le 18 août de cette année-là, ma réponse n’aurait pas été la même. Peut-être aurais-je même menacé ou tempêté si la question m’avait été posée, bien franchement. Mais bon, avec le temps qui passe, on a tendance à atténuer l’intensité des désagréments. On n’oublie pas tout à fait, mais le temps gomme un peu tout ça et au final, on se dit que ce n’était pas si terrible.
J’ai passé le cap des 41 semaines. Après quelques jours de répit, la chaleur s’est installée, encore plus intensément. À ce stade, ce n’est que mon orgueil qui m’a retenu de me présenter à l’hôpital en pleurnichant comme un enfant pour qu’on accélère mon accouchement. L’humidité m’a fait gonfler comme un ballon, je n’étais confortable dans aucun vêtement et plus aucune chaussure ne m’allait.
Il y a eu cet apogée, ce vendredi où l’humidex a fait grimper le thermomètre à plus de 40 degrés. Je suis sortie de chez mon médecin en pleurant parce qu’on devait me provoquer seulement le lundi suivant, aux termes de 42 semaines. Moi, tout ce que je comprenais c’est que j’allais macérer dans ma sueur encore deux longues journées. C’était trop me demander.
Et là, j’imagine que ma petite fille a compris. J’ai passé cette même dernière nuit, remplie d’orages électriques, à compter les minutes entre mes contractions. Le bonheur que j’ai ressenti quand on m’a annoncé, le samedi matin, qu’enfin j’allais accoucher dans quelques heures, c’était indescriptible. Une des meilleures nouvelles de toute ma vie. Et avec l’arrivée de ma fille est venue également la fraîcheur qu’on aime tant en septembre. J’avais traversé cet infernal mois d’août 2007, et mon amour de l’été en a été à jamais changé.
Quand je rencontre une femme qui semble être dans ma position, enceinte jusqu’aux oreilles alors que les chaleurs sont bien installées, j’ai cette petite pensée de solidarité féminine. De tout cœur, je lui souhaite de ne pas dépasser ses 40 semaines dans une telle chaleur!