J’ai vu passer dans mon fil cette nouvelle qu’un jeune Québécois en vacances aux États-Unis a sauvé un enfant de 8 ans de la noyade. On disait de lui qu’il avait posé un geste héroïque, et avec raison. Un courageux qui a affronté les courants contraires pour se porter à la rescousse d’un garçon en détresse. C’est noble et ça mérite d’être honoré. Mais ce n’est pas de ce genre de courage dont j’ai envie de vous parler.
Celui qui m’inspire ne fait pas les manchettes. Il est plus discret, moins spectaculaire, presque banal. Et surtout, il est beaucoup plus répandu parmi nous, les teneuses et teneurs de phares, les guerrières et guerriers du quotidien, celles et ceux qui veillent au bien de la famille, beau temps, mauvais temps, qui se lèvent malgré les insomnies ou les rhumes carabinés, passent des nuits à consoler ou à allaiter.
Je l’appellerai le courage ordinaire, celui qu’il nous faut pour passer à travers nos journées, même si on a juste envie de rester couché.e, celui qui nous fait avaler deux Tylénol avec notre café pour affronter le meeting de neuf heures ou la crise de coliques du petit. Celui qui remplace la motivation quand notre job est tellement plate qu’on rêve de partir à courir à chaque fois qu’on croise un cadre de porte. Celui qui nous fait tenir bon quand on a l’impression d’avoir un trou sous le pied par lequel s’écoule notre énergie; on ne peut pas être fatigué.e quand notre enfant a faim, on ne peut pas être épuisé.e quand il faut l’aider à faire ses devoirs, on ne peut pas être exténué.e quand on doit valser entre la garderie, le boulot, la maison, les commissions, les rendez-vous. Sinon, notre château de cartes s’écroule.
Le courage des matins de semaine pressés, des fins de semaine trop occupées, des nuits pleines de cauchemars à apaiser. Le courage de faire face à la vie quand elle te fait une jambette que ce soit le diagnostic du plus jeune, les contrats qui ne rentrent pas, la maladie de ton père, ton amour qui s’en va ou la dépression qui s’invite sous ton toit.
On ne décerne pas de médaille pour ce type de courage; normal, le chapeau fait un peu à tout le monde. Pourtant, sans lui, la vie partirait en vrille.
Le courage de faire ce qu’il faut pour que la roue continue de tourner, malgré les bobos, les manques, les inquiétudes, les chagrins, les vides et les vertiges, ce courage modeste, qui se manifeste mille fois par jour sans tambour ni trompette, votre courage, et bien je le salue à mon humble façon.
Nous sommes toutes et tous des courageuses et courageux, ne l’oublions pas.