Les enfants sont pleins de surprises. Quand je regarde ma grande fille de presque 6 ans, je sais toujours que ces nouvelles expressions (genre « chouette » en levant les yeux au ciel) viennent de sa nouvelle vie de petite personne qui a commencé l’école. Elle a donc l’influence de ses parents qui lui donnent son langage courant entre le français normatif de son papa d’origine française et de sa mère full québ qui n’a jamais eu honte d’utiliser les mots que sa province lui a appris. Pour Marcel, c’est différent parce que ses référents sont encore beaucoup ses parents.
Une nuit, il voulait faire son « toff » et me montrer qu’il était capable de remplir son biberon de lait tout seul. Ça faisait déjà de bonnes minutes qu’il était levé alors j’en avais marre. J’ai décidé de ne pas le laisser faire, j’étais fatiguée et j’avais une nuit à dormir, quand même. Alors, ça l’a mis en colère. J’essayais de le calmer, de le cajoler, de lui faire comprendre que j’en avais assez. Je lui donnais des trucs pour le remettre sur la map, sans sortir la rengaine qu’il allait quand même finir par oublier le drame, à son mariage, s’il veut se marier, dans le fond, je m’en fous des conventions, moi je ne veux que son bonheur. Mais que nenni, Marcel ne démordait pas de sa rage de ne pas avoir montré qu’il était capable.
C’est là qu’il m’a sorti : « laisse-moi finir ma crise ».
J’étais estomaquée. Moi, je me démenais pour l’aider à se calmer, pis lui, tout ce qu’il voulait du haut de ses presque 3 ans, c’était d’avoir le temps de gérer ses émotions pis sa crisette. Les tenants et aboutissants de pourquoi et comment il allait passer au travers de cette tempête intérieure ne l’intéressait pas, ce qu’il voulait, c’était de vivre ses émotions. C’est tout.
Le lendemain, à la garderie, on s’est demandé, l’éducatrice et moi d’où ça venait, cette drôle de phrase, pis on est venus à la conclusion qu’on le savait pas. Après quelques jours, je sais toujours pas de quel petit ami de la garderie ça vient et ça reste pour moi une belle révélation. Mon enfant m’a tout de même appris cette nuit-là une belle leçon que je devrais appliquer plus souvent un peu partout dans ma vie : que des fois, il faut juste se laisser le temps de finir sa crise. Pis après, c’est plus facile de faire passer le reste, que ça soit une niaiserie de plus ou de quoi de plus grave. Ça finit par passer.