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Fécondation in vitro : Cette chance que j’ai eu que d’autres n’auront pas
Crédit: photodeti / 123rf.com

Elle connaît le nom de tous les chiens poilus du quartier.
Elle m’enserre la taille sans même se mettre sur le bout des pieds.
Quatre ans et demi de merveilles.
De découvertes.
De planchers pleins de miettes.
Quatre ans et demi à la regarder en torchant aux kleenex mes larmes d’amour et de fierté.
 
Évidemment, tout cela a bien failli ne pas arriver.
Pas d’enfant, pas d’grossesse, pas d’périnée amoché.
C’est l’incroyable réalité de la chose qui la rend si belle et précieuse.
Bon, on s’entend, un enfant, c’est toujours précieux, mais y’a des conditions de création qui font que, des fois, faut juste être un peu plus reconnaissant que d’autres.

Car, je suis une Sibérie. Oui, oui. Mon appareil reproducteur est un permafrost, jamais rien ni personne ne pourra y être conçu sans l’aide de la science. Ça s’appelle l’infertilité. Ça dépend à qui vous parlez mais si vous m’demander à moi, je vous répondrai que c’est une réelle infirmité.

Une des nombreuses fois où je me suis vue de l’intérieur sur une télé d’hôpital, live direct en HD par hystéroscopie ou hystérosalpingographie (des gros mots pour dire qu’une équipe de médecins cinématographes se penchaient sur mon cas munis d’une caméra) ben je les ai vus, ces voiles blancs étanches qui bouchent et encombrent mes trompes, qui elles, sont  difformes.
Et même si ça scellait mon cas pour une fécondation in vitro, je ne pouvais m’empêcher de trouver ça beau. C’était mince et diaphane et ça ondulait devant la caméra. Comme des rideaux dans un corridor sombre. Comme des nageoires de poissons dans le fond de l’océan.
Il a brièvement été question de chirurgie, mais vu l’état général pitoyable de mon appareil reproducteur, mon âge et le temps de convalescence, c’était une FIV ou c’était rien.

Alors, quand elle parle aux chiens poilus, quand ses p’tites mains s’accrochent à moi, j’me dis que ça aurait pu être que du vent si la science n’avait pas été là.
Cette marche de retour de la garderie que nous prenons, là là, n’aurait jamais eu lieu.
Cette petite main dans la mienne n’y serait pas. Il y aurait peut-être un téléphone, une ganse de sac, une poignée de jujubes.
Ou rien. Il n’y aurait juste rien.
 
 J’ai eu la chance d’avoir ma malchance alors que le programme de procréation médicalement assistée du gouvernement du Québec remboursait la fécondation in vitro. J’en ai eu 5. C’était le dernier essai. Après j’abandonnais.
Si ma malchance s’était montré le bout du nez quelques mois plus tard, je n’aurais pas eu les moyens de déjouer ma Sibérie. J’aurais la main vide. Personne ne murmurerait à l’oreille des chiens poilus du quartier.
 
Depuis que la fiv n’est plus couverte, la demande pour la procédure a diminué de 60%.
60%.
Techniquement, la chute a la note de passage à l’école, c’est plus de la moitié des demandes!
Il s’en est fallu de peu pour que je sois de cette statistique ahurissante. Si j’avais pris mon temps, si j’avais eu plus de patience, si je ne m’étais pas inquiétée, ma fille ne serait pas là. 
 
Je pense à ces 60% de parents qui ont décidé de ne pas s’aventurer, qui ont décidé de camper, par choix ou par nécessité, dans leur Sibérie à eux. Je pense à cette chance que j’ai eue et qu’eux n’ont pas chaque fois qu’elle dit le nom des chiens poilus.
Chaque fois qu’elle est à mes côtés.
Si fière de l’avoir, si en crisse de l’injustice pour ces parents que je ne connais pas, mais dont je partage l’amertume.
 
Les élections s’en viennent, on ressort la promesse de la FIV comme un objet brillant. « Vote pour moi, t’auras p’t’être un traitement. »
La possibilité d’avoir un enfant ne devrait pas être un enjeu électoral, ça devrait être offert, tout simplement. Sans menace ni allusion à un « bar ouvert ».

Mon coeur, comme la société dans laquelle je veux habiter, n’aura jamais assez de chiens poilus cajolés et de petites mains à serrer. C’est comme ça que j’veux que mes impôts soient dépensés.
 

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