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Maternité : quand le coup de foudre manque à l’appel
Crédit: Getty Images/ Montage : Manal Drissi

 J’ai accouché un mardi, mais je suis devenue maman un dimanche.
 

Hyperemesis Gravidarum, c’est du latin pour «vomir jusqu’à en pleurer sa vie». Mes nausées ont rendu leur dernier souffle quand fiston a pris son premier.
 
Je ne me sentais pas enceinte, juste malade. Arrêt de travail, isolation, dépression. Surtout, culpabilité. Celle de ressentir le néant alors que je couvais la vie. Pourtant je le voulais tellement, cet enfant. C’est moi-même que je n’arrivais plus à subir.
 
Un jour où je déversais mon trop-plein sur mon amoureux, j’ai hoqueté tout haut ce qui me terrifiait tout bas :
 
«Qu’est-ce qui arrive si je l’aime pas?»
 
«Tu vas l’aimer, tu vas voir.»
 
Il avait l’assurance d’un déjà-papa. Et moi l’irrationnelle angoisse d’une pas-encore-maman.
 
«Mais si je l’aime pas?»
 
«Alors je vais l’aimer pour nous deux.»
 
C’est la plus belle chose qu’il pouvait me dire.
 
J’avais des sages-femmes extraordinaires. Un amoureux impliqué. Mais j’étais épuisée d’avance, moralement comme physiquement. L’orgueil gros comme mon ventre, je voulais paraître forte.
 
Mais y’a pas de place pour le semblant quand tu accouches. C’est la vie à son plus cru. Je voulais que mon corps et mon esprit travaillent en équipe. Mais mon équipe était maganée d’avance. La panique gagnait du terrain avec chaque contraction.
 
Quand est venu le temps de la poussée, je me suis écroulée. C’est sorti comme un aveu de culpabilité : «J’AI PEUR!»
 
«Peur de quoi?»
 
De ne pas l’aimer, mais ça ne se dit pas.
 
Fiston tout chaud a été déposé sur mon ventre mou. Mon corps réagissait à ses besoins. Les miens étaient devenus secondaires. L’instinct animal s’est immédiatement mis en marche, mais le doute a subsisté.
 
J’étais sa mère… mais pas encore sa maman.
 
Je n’ai pas eu le coup de foudre dont tout le monde parle. J’ai eu le doute que tout le monde tait. Au détriment de ma santé mentale et physique, je l’ai tu aussi, par honte, par culpabilité.
 
Je revivais mon accouchement dans mon sommeil. Je me réveillais en sueur d’avoir rêvé que fiston avait un jumeau, que l’accouchement se poursuivait. J’étais terrifiée. J’ai appris que j’avais le syndrome du choc post-traumatique. Je n’avais pas vécu un écrasement d’avion, «juste» accouché. Et pourtant.
 
On a pleuré en chœur, fiston et moi. On a beaucoup pleuré. On s’est observés, on s’est souris, on s’est apprivoisés des semaines durant.
 
J’oscillais entre le doute, le sentiment d’incompétence et la panique. Entremêlés d’une confiance momentanée et fragile.
 
C’était un dimanche gris dans la rue comme dans ma tête. Couché à mes côtés, fiston m’a regardée d’un regard que seuls les bébés savent avoir. Un regard qui te vire à l’envers et t’apaise en même temps.
 
Un regard complice, puis un sourire qui rassure. Comme pour me dire que tout allait bien. Que je faisais bien ça. Il a rempli ma tête de soleil. Pour la première fois, j’étais réellement bien. Je l’aimais d’un amour qui coupe le souffle. Je n’étais plus une mère. Simple comme ça, j’étais devenue sa maman.  

Crédit photo : Manal Drissi.

 
On ne parle pas de maternité comme synonyme de doute. Des fois, la maternité est un processus, et c’est correct aussi. J’ai choisi d’en parler pour briser le silence.
 

Je vous offre de vous vider le cœur. Qu’est-ce que vous avez vécu ou vivez en secret et qui vous pèse ?

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