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La question du travail
Crédit: Caroline Scott

Je suis libraire depuis trois ans et j’ai étudié durant les cinq dernières années, au CEGEP, puis à l’université. Mes horaires ne sont pas très traditionnels et ça a évidemment une influence sur notre vie de famille. Dans la dernière année, j’ai travaillé presque toutes les fins de semaine : c’est normal quand le boulot est un commerce. Ange va chez son père un samedi et dimanche sur deux, en alternance avec ma mère qui s’en occupe la semaine suivante.
Jusqu’à tout récemment, l’horaire semblait fonctionner.
Puis un soir, nous avons eu une dispute assez orageuse :

«- Je peux aller chez Juliette en fin de semaine? Elle m’a invitée.
– Hum, demande à ta grand-mère, mais je crois que vous allez au chalet.
– Je veux pas aller au chalet, on va TOUJOURS au chalet.
– Vous y allez juste l’été. Je comprends que c’est pas ce que tu voudrais, mais on n’a pas le choix, tu sais que je travaille la fin de semaine.
– Mais c’est quand que tu vas arrêter de travailler? Je veux inviter mes amies.
– Bientôt, tu sais bien que c’est temporaire.
– Tu dis tout le temps ça, mais je suis sûre que ce sera pas bientôt. Pis en plus, ON SE VOIT JAMAIS!»

Elle était fâchée, triste, elle a crié en me disant qu’on ne se voyait jamais, les joues tapissées de larmes. J’ai eu un pincement indicible au cœur, la salive et la culpabilité m’ont envahi la bouche et ça m’a pris un temps fou pour dire un mot. Ange pleurait toujours, mais son souffle était plus calme; j’étais misérable et déchirée, les fesses au bout du lit.
Je me sentais tellement coupable de l’entendre me crier sa frustration, qui était amplement justifiée. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de penser à combien j’adore mon travail : être libraire est pour moi une grande source de joie.
En constatant encore une fois à quel point mes actions se répercutent sur elle, je me suis sentie égoïste que la situation ne soit pas différente. J’ai tenté de me calmer : rien n’allait changer ce soir-là, il était préférable d’arrêter d’angoisser et me dire que «bientôt» arriverait vite.
«- Cocotte, je te promets que ça va changer, tu crois que tu peux patienter juste encore un peu?
J’aime vraiment la librairie, tu sais.
– Moui, je sais. Je l’aime aussi mais j’suis tannée là.
– Je m’excuse, c’est vrai qu’on se voit pas beaucoup.
– On pourrait se voir le soir, mais souvent je suis dehors en train de jouer.»

Puis, ça a été la réconciliation, l’histoire, les baisers de bonne nuit.
J’ai appris quelques jours plus tard que «bientôt» était arrivé et que j’aurais dorénavant du temps avec elle la fin de semaine.
J’ai dit un gros merci à ma fille de sa compréhension, et on en est venues à la même conclusion : y a des fois où ça vaut la peine d’être patientes.

Comment conciliez-vous les horaires à la maison? Avez-vous déjà eu à faire de gros sacrifices professionnels pour le bonheur de vos enfants?

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