Juste au coin de chez nous, il y a un piano de rue. Mes filles, des petites artistes en herbe, l’adorent. Quand elles se réveillent de la sieste vers 15h30, c’est pas rare qu’elles demandent d’y aller. Impossible de dire non.
Un jour, on s’y rend et, coup de chance, personne n’y joue! On s’empresse de traverser la rue avant que quelqu’un ne «vole» la place tant convoitée. Les E s’installent et hop, la symphonie du pipi commence.
Et comme une mouche sur d’la merde, je vois au loin une petite vieille s’enligner direct sur les filles.
J’essaie de suivre les ébats de chacune en n’oubliant pas d’applaudir au besoin, quand je la vois tapoter les notes du piano à côté des petites mains d’E1.
La miss, du haut de ses 3 ans, est bien vexée de ce geste qu’elle estime être irrespectueux. Elle lui dit un beau «non» bien doux mais ferme, et dit que c’est elle qui joue sur le piano, que c’est pas son tour à elle. Elle n’a pas tort, la p’tite maudite…
Mais la dame insiste. Elle continue de jouer et elle commence à lui dire des choses du genre :
«Sois donc gentille et partage.»
«Le piano c’est pour tout le monde. Laisse-moi donc jouer aussi.»
«Les bonnes filles, ça partage…Tes parents t’ont pas appris ça?».
La vraie Valerie a juste envie de l’envoyer chier du genre «Crissez-lui la paix, elle vous a déjà dit non.».
La maman en moi regarde ma grande indépendante gérer sa propre situation. Mais là, ça fait 10 minutes que la dame insiste. (J’aimerais vous dire que j’exagère mais malheureusement, c’est pas le cas.)
Une dame d’environ 65 ans qui insiste pour qu’une fillette de 3 ans partage avec elle… C’est qui l’enfant, donc?
Bref, ça commence à bouiller en moi. Je veux venir en aide à ma fille, mais je sais pas trop comment faire, jusqu’au moment ou j’aperçois ma porte de sortie en forme d’immense bague sur le doigt de la dame, un merveilleux émeraude entouré de plusieurs diamants. Kitsch, mais beau.
«- Si j’insistais assez, est-ce que vous me passeriez votre bague?
– Hahaha! Vous plaisantez?
– Non pas du tout. Allez, partagez donc.
– Il n’en est pas question, c’est à moi.
– Alors ce sera facile pour vous de comprendre : pour l’instant, dans sa tête de petite fille de 3 ans, le piano c’est comme votre bague. C’est précieux et c’est à elle. S’il vous plait, respectez ce qu’elle vous dit.
– Ben voyons donc…
– Je suis désolée, si elle dit non, c’est non. On force pas les adultes à partager alors pourquoi on force les enfants à le faire?»
Ça vous arrive d’affronter des situations qui vous laisse bouche bée?