Elle dort.
Du haut de ses 4 ans, elle dort profondément.
Je passe devant sa porte entrouverte. La lumière aqua de sa veilleuse donne des allures de fond d’océan à sa chambre, pleine du son apaisant de son assoupissement. De ses jouets auxquels elle n’est pas en train de jouer. De ses livres qu’elle n’est pas en train de lire.
Ses chansons se chanteront demain, pour le moment, elle chante en silence, entre deux rêves, entre deux moutons qu’elle n’a pas dû compter bien loin.
Elle dort.
J’entre.
Je ne peux résister. Ses petits yeux fermés. Ses petites joues détendues. Je sais déjà quelle odeur elle aura quand je me serai penchée sur elle pour lui faire un, deux, trois p’tits bisous sur le front et dans son cou.
Petite, on osait à peine parler dans la maison de peur de la réveiller. Maintenant que son sommeil n’est plus une énigme, on s’est remis à parler et je me permets souvent d’entrer.
Pour m’en approcher.
Pour lui dire à quel point elle est fantastique.
À quel point je l’aime.
Je scelle le tout d’un bisou.
Smack tout doux.
Souvent, de l’ailleurs d’où elle dort, elle sourit. Et se roule dans ses couvertures. Heureuse, sans le savoir, en direct de son inconscient.
Du pur bonheur de maman.
À partir de quel âge est-ce que c’est inapproprié d’entrer dans la chambre de son enfant pour lui faire un dernier câlin, à son insu? Pourrais-je m’arrêter? Saurais-je quand ça sera la dernière fois par un petit pincement au cœur, un petit vent froid qui passera par-là? Un signe des temps, un signe que mon enfant n’en sera plus vraiment un.
Où a-t-on le droit à vie, quand, vieillissant, on pose ses lèvres sur un front devenu adulte par une nuit spéciale où on partage, momentanément, le même toit?
Je n’sais pas. J’n’ai pas la réponse à tout ça.
C’que je sais, c’est que ces petits bisous de dodo sont de réels éclats de joie pour moi qui m’ennuie d’elle alors qu’elle ne dort que depuis deux heures ou trois.
Elle n’a certainement pas connaissance de tout ça, même si parfois, elle dit qu’elle m’aime aussi d’une voix endormie.
J’m’en fous. J’prends pas de chance.
J’me gâte.
Après tout, le temps de la petite enfance est compté, j’en dispose pas d’une infinité.