Il y a la maman qui fait du cododo, qui partage sa chambre ou son lit, par conviction, par tradition, ou parce que pour elle, ça va de soi. Des fois elle s’y est résignée malgré les réticences, confrontée à un bébé qui ne dort pas autrement.
Il y a la maman qui fait chambre à part, parce qu’elle ne ressent pas le besoin de faire autrement. Ou parce qu’au moindre son, au moindre mouvement, elle se réveille. Des fois, elle a besoin de cette distance pour mieux fusionner.
Aucune des deux n’est une mauvaise mère.
Il y a la maman qui allaite par désir, par conviction, par paresse (moi!), par facilité, par croyance ou par pression.
Il y a la maman qui donne de la préparation pour nourrisson, par choix ou par nécessité. Pour des motifs physiques, psychologiques ou personnels. Parce que l’allaitement ne lui est pas venu aussi naturellement qu’elle le croyait, parce qu’allaiter se conjugue mal avec sa réalité ou parce qu’elle est écœurée de brailler sa vie aux boires. Des fois, ça ne marche juste pas. Et sans exception, une mère en santé mentale en vaut dix à bout.
Aucune des deux n’est une mauvaise mère.
Il y a la maman qui reste à la maison, parce qu’elle s’y sent à sa place, parce qu’elle se sent comblée en tenant domicile, parce qu’elle se sent coupable de travailler à l’extérieur, parce qu’elle y tient un rôle valorisant ou parce qu’elle ne se voit pas envoyer son enfant à la garderie.
Il y a la maman qui travaille, parce qu’elle a besoin de s’accomplir à l’extérieur du foyer, parce qu’elle a choisi un style de vie qui l’exige, parce qu’elle est monoparentale, parce qu’un seul revenu ne suffit pas, parce qu’elle peut être à la fois maman et carriériste, parce qu’elle mérite de se réaliser dans toutes les facettes de sa vie.
Aucune des deux n’est une mauvaise mère.
Il y a la mère qui se lève toutes les nuits, des mois ou des années durant, inlassablement, et qui choisit de suivre les cycles de sommeil de son enfant pour le temps qu’il faut. Avec plaisir ou malgré l’écœurement profond. Elle n’oserait jamais essayer les techniques de sommeil, cette seule pensée lui inspire la panique et le désarroi.
Il y a la mère qui tente les méthodes d’apprentissage du sommeil, par conviction ou par découragement, parce que la situation s’y prête ou parce que la seule pensée d’une autre nuit blanche lui inspire la panique et le désarroi.
Aucune des deux n’est une mauvaise mère.
Il y a la mère qui lit un billet, sur TPL Moms ou ailleurs, elle aime se reconnaître dans le vécu des autres. Mais dans le brouhaha des opinions professionnelles et amatrices, elle se trouve blessée par une phrase mal tournée, un propos maladroit, l’impression ou la présence d’un sous-entendu, ou une mauvaise interprétation des intentions de l’auteur.
Il y a la mère qui écrit un billet, sur TPL Moms ou ailleurs, qui se met à nu en maniant sa plume, qui essaie de partager sa réalité, mais qui oublie parfois que celle des autres est fragile, sous-estime le poids des mots, tourne mal une phrase, laisse planer un sous-entendu ou se trompe carrément, se condamnant maladroitement à se faire imputer de mauvaises intentions.
Aucune des deux n’est une mauvaise mère.
Le cœur d’une mère a ça de fascinant qu’il est une boussole morale impérieuse. La tête a ça d’exaspérant qu’elle peine à lui faire confiance. On se met en sourdine et on perd pied à la moindre divergence de position. L’insécurité qui s’abat sur une mère est incommensurable, plus grosse que le placenta et le bébé réunis. Accablées par cette insécurité, nous sommes vulnérables au regard des autres. Nous sommes terrifiées par l’éventualité d’un échec parental. Alors, à notre tour, on sort notre plume bête et on cherche une quelconque validation de nos compétences. On se raboute une p’tite confiance en écorchant quelqu’un au passage, pas tout à fait volontairement, parce qu’on a été écorchée aussi. #CercleVicieux
Nous en venons à oublier que nous faisons, mères dignes de ce nom, de notre mieux au meilleur de nos connaissances, tout le temps. Pour apaiser nos propres inquiétudes, on échange sur la maternité comme on le ferait sur un sujet tangible, rationnel. Comme si la réponse pouvait être un chiffre rond, appuyée par une démarche mathématique. Sauf qu’au change, tout le monde perd.
On ne peut pas apprendre à être une mère, seulement à être la mère de SON enfant. Autant pour celle qui juge que celle qui se sent jugée, autant pour celle qui écrit que celle qui lit, serait-il possible que notre accablante insécurité nous joue des tours? Que les intentions derrière les mots ne soient pas fondamentalement mauvaises? Que notre interprétation des propos ne soit pas juste à tout coup? De part et d’autre, il est grand temps de cesser de se mettre soi-même en sourdine et les autres, à plein volume.
Après tout, il est naïf de prétendre pouvoir écouter les autres quand on ne sait pas s’écouter soi-même.