Le jour de l’An, c’est tripant. Gamine, je me rappelle le feeling particulier de ce jour où tu peux te coucher tard, manger les meilleurs plats cuisinés par ta grand-mère, écouter des rigodons sans trouver ça trop quétaine, faire éclater des pétards de Noël, écouter le « Bye-Bye » et j’en passe.
Ado, c’était l’occasion d’un party. L’attente pour minuit en cherchant du coin de l’œil celui à qui tu avais le plus envie de dire « Bonne Année! ». Les cocktails, les beaux habits et la bonne musique.
Le jour de l’An c’est magique jusqu’à ce que quelque chose surpasse toute autre possibilité de s’amuser ce jour-là. Tout ce que ça prend, c’est une fois pour que l’occasion semble ternie à jamais.
Pour moi, ça été le jour de l’An 2011.
À peine 3 mois après avoir donné naissance à mon premier enfant, je me retrouvais dans une maison de soins palliatifs en train de faire mes adieux à un homme qui a marqué ma vie plus que je ne pourrai jamais l’expliquer, un des premiers hommes que j’ai aimé : mon grand-père.
Quelques jours avant, il était encore à la maison. Il avait refusé tout traitement et profitait de chaque instant qu’il lui restait, entouré de sa famille. Mes deux tantes, leur mari respectif, ma mère et son conjoint, mes cousins, ma cousine et son copain, et notre petite famille. Tous réunis pour célébrer sa vie mais aussi pour faciliter et accompagner son départ.
Personne n’osait se donner de cadeaux. Il ne mangeait plus, donc oublions le gros repas habituel. Savoir qu’il allait partir me consolait : quelle chance nous avions de le savoir et de pouvoir adéquatement lui dire « Au revoir ». J’ai pris le temps de lui écrire une lettre, de prendre une tonne de photos, de m’assurer qu’il rencontre mon mari et de le regarder longuement pour me rappeler chaque ride, chaque particularité.
Je me rappelle encore son ongle de pouce noirci par une vieille blessure. Son petit sourire en coin, moqueur à ses heures, de ses bisous sur le bout de mon nez. Je me rappelle son journal, un par année tenu depuis 1973, qui relatait le moindre détail de ses journées.
Crédit : Valerie Poulin
Le 29 décembre, il demande à être transporté à la maison de soins palliatifs. Il voyait déjà le bout du tunnel, l’espoir partait avec la chaleur. C’était le début de la fin. Il n’y a passé que quelques heures, presque 36 au total.
Le 30 décembre, mes tantes, ma cousine et moi sommes restées lui tenir compagnie malgré son sommeil profond. Même en fin de vie, son ronflement restait aussi persistant. Fidèles à notre famille de cruciverbistes, nous avons joué une importante partie de Scrabble. Dans mon cœur de petite fille, j’ai toujours aimé imaginer que j’étais sa préférée. Ce soir-là, j’ai gagné. J’aime penser que c’était son dernier petit clin d’œil, son dernier petit sourire en coin.
Vers minuit et demi, je suis partie en laissant ma tante seule avec lui. Un drôle de sentiment se manifestait dans mon cœur. Quelques heures plus tard, une sonnerie me sortait de mon sommeil peu profond. Sans même répondre, je me suis habillée pour me rendre à son chevet.
Je n’avais pas besoin de l’entendre pour le savoir. Il était parti, en catimini.
Peut-être que le temps (et mes enfants) aideront à estomper et remplacer ce souvenir mais pour l’instant, le jour de l’An est synonyme du grand départ de mon grand-père, le jour où on lui a fait nos adieux…
Je vous souhaite un super jour de l’An, bien entourées, et une belle année bien remplie.