J’ai l’impression que toi et moi vivons dans une chanson de Gainsbourg. «Je t’aime, moi non plus», tu connais. On s’aime, on se déteste. On se trouve beau et repoussant. On s’attend et on désire se voir partir. Rien n’y fait.
Hiver, je t’aime dans les premiers flocons fous de tes premières tempêtes. Je t’aime dans ton immensité immaculée – celle d’avant les voitures qui te salissent et te brunissent. J’aime ta blanche douceur de ouate qui s’accumule. Hiver tu es beau.
Hiver tu me fais mal quand tu te durcis et deviens bloc, quand mes pas font crisser la neige, quand ta froidure me paralyse. Oui, c’est ça. Tu me paralyses. Je deviens impotente. Rien n’y fait. Même ensevelie sous des couches et des couches de vêtements, tu me blesses.
Hiver, mon corps n’est pas capable de te recevoir. Tu me heurtes et me giffles au visage. Tu attaques impunément la seule micro partie de peau exposée à tes vents glacials.
Pourtant tu es si lumineux… Même la nuit tu éclaires.
Hiver, j’ai fait des enfants. Mon grand t’aime. Je suis maudite! Si seulement, je pouvais toujours rester avec Été. Mon corps est fait pour lui. Il est fait pour le soleil brûlant des côtes de la Méditerranée. C’est en Sicile que j’aurais dû naitre, pas ici. Hiver après hiver, toujours la même rengaine à l’attention de feu mon papi: « Pourquoi avoir émigré au Québec? Pourquoi? »
Hiver, je t’aime et je te hais. Je ne sais que faire.
Je te regarde tomber, par ma fenêtre. Tu es beau. Je suis au chaud. Pourtant… Pourtant, je me dis en regardant de l’autre côté de la clôture, dans la ruelle qu’il faudrait bien que j’apprenne à mon grand à patiner cette année.
Cara