« Ton problème c’est être, toi, en vie grâce à un avortement raté ».
Nancy Huston est rude et brutale dans cette première autobiographie à peine assumée. S’adressant au foetus qu’elle a été (le personnage de Doritt), l’écrivaine raconte comment sa mère a cherché à l’avorter, comment elle a été abandonnée par cette dernière et comment ce rejet l’a traumatisé.
« Tu es une mauvaise nouvelle » avertit l’auteure, conçue par accident (ou à peu près) par des parents peu soucieux, jeunes et sans le sou.
Avec Doritt, le lecteur remonte l’arbre généalogique où s’accroche le foetus : grand-mère féministe avant l’heure, grand-père pasteur, parents maganés, mère préférant s’exiler en Europe pour étudier plutôt que de s’occuper de sa fille. Allo!!!!
L’enfant grandit seule, laissée entre les mains des voisins ou des amis (de n’importe qui finalement). Jusqu’à ce qu’elle soit abandonnée pour vrai, à cinq ans.
Ce passé difficile a forgé l’écrivaine qu’elle est devenue, celle qui a choisi d’écrire en français et de rejeter, ce faisant, sa langue maternelle (l’anglais), « la traitant comme une langue morte ». « Comme Becket, tu quitteras ta mère […]. Tu ne seras ni d’ici ni de là, mais de l’entre-deux c’est-à-dire de nulle part, assignée aux limbes à perpétuité. »
Pourtant, Doritt n’accuse pas sa mère. Ce qu’elle pointe du doigt c’est plutôt le prototype de la femme moderne qui s’acharne à être totale. Être « ange du foyer » et « égalitariste » ne marche pas. « Le rêve d’égalité volera en éclats dès que les bébés commenceront à débarquer. Tu veux savoir la vérité? C’est encore assez souvent le cas », avertit l’auteure.
En d’autres mots, ce qui fait fuir la mère, c’est la crainte que le petit bout de vie qui grandit en elle prenne trop d’espace et de temps dans sa vie. Cette femme met ses propres besoins avant ceux des autres, malgré ses responsabilités maternelles (surtout depuis ses responsabilités maternelles). La voilà l’erreur fatale que dénonce Bad Girl.
Mon Mommy brain a trouvé que ce livre-fragment était vraiment adéquat parfait pour mon niveau de concentration amoché.
Divisé en courts chapitres, écrit à la 2e personne, Bad Girl pourrait être arrogant, mais il est surtout doux et amer. Ce que révèlent les couches et les couches de débris du passé fouillé par l’auteure, c’est le fabuleux élan créateur que peut provoquer un trauma.
Pour connaître davantage le point de vue divergeant de Nancy Huston sur la maternité, je vous invite à lire Journal de création et Professeurs de désespoir.
Pour quelles raisons vous sentez-vous parfois une bad mom ?