Je possède ce genre de face qui ne vieillit pas, malgré mes cheveux blancs et les rides qui me creusent tranquillement le regard. J’ai 36 ans, je me fais carter à la SAQ et je m’habille dans la section pour enfant. Tout le monde me dit que je suis chanceuse : je ne le pense pas!
Je n’en peux plus de manquer de crédibilité, de subir l’infantilisation ou de me faire appeler « la p’tite », « ma chérie » ou « ma cocotte » par de purs étrangers. Au travail, j’ai toujours à travailler fort pour prouver mes 15 ans d’expérience. Non madame, je ne suis pas nouvellement graduée du Cégep du Vieux! Oui monsieur, je suis en mesure de mener adéquatement votre projet à terme!
Mais c’est principalement dans mon rôle de maman que « mon image » m’a le plus confrontée.
Enceinte déjà, on se permettait de m’arrêter dans la rue pour me demander comment j’allais faire pour élever un enfant si jeune, si j’étais seule ou si j’avais le support de mes parents. Oui madame, j’ai 27 ans, un bon travail, un conjoint et un bel appartement. Je ressens toujours ce besoin oppressant de me justifier. J’ose à peine imaginer ce qu’une « vraie » jeune maman peut ressentir. Je n’aime pas l’association : jeune maman = mauvais choix = sûrement irresponsable.
À l’âge de 2 mois, mon fils a été hospitalisé pour une bronchiolite sévère, il était dans un piteux état. Je ne quittais jamais son chevet, même pas pour me laver. Je ne comprenais pas l’attitude méprisante du personnel infirmier à mon égard. J’étais terriblement inquiète et ébranlée, je fondais en larmes à chaque intervention. À un certain moment, l’infirmière n’arrivait pas à changer son soluté, suite à quatre essais infructueux, elle à demander à une collègue qui a demandé à une autre.
Mon fils hurlait, j’ai osé demander d’arrêter, de recommencer plus tard : le regard qu’elles m’ont fait! Une d’elles m’a répondu : « Écoute ma p’tite fille, t’es pas au bout de tes peines avec un bébé, ça demande du temps, de la patience, tu vas devoir apprendre ça! » De quel droit on me donnait des leçons de vie, quelle mère ne serait pas ébranlée par la souffrance de son enfant et ce, peu importe son âge? J’ai appris plus tard qu’elles me donnaient 16 ans, leurs manières envers moi se sont complètement métamorphosées lorsqu’elles ont appris mon âge réel.
On me prend souvent pour la gardienne de mes enfants, et je suis capable de vivre avec ça, cependant, je ne peux plus supporter les regards méprisants.
Êtes-vous jugés à cause de votre apparence? Est-ce que cela interfère dans votre rôle de parent?