Et si, l’instant d’un texte, on voyait la trisomie au travers des yeux d’une maman d’enfant trisomique?
Véronique PiquetteDu plus loin que je me souvienne, j’ai souvent été de celles qui voulaient sortir du lot. Je ne voulais ressembler à personne. Longtemps, j’ai clamé haut et fort que j’allais être une maman différente. L’univers a entendu mes paroles, j’ai obtenu exactement ce que j’ai souhaité. La vie a mis sur mon chemin un petit bout d’homme avec un chromosome supplémentaire. Ça, je ne l’avais pas vu venir pantoute.
Mon fils est arrivé au monde avec un défi de plus que les autres. Depuis sa naissance, il combat des préjugés enracinés depuis trop longtemps. Ses petits yeux en amandes ont créé entre lui et les autres une barrière invisible que trop peu de gens franchissent. Plus il vieillit et plus j’ai peur pour lui et du jour où je ne serai plus là pour le protéger de tous ces jugements.
L’annonce de son diagnostic m’a rendue tellement anxieuse. J’ai du mal à croire qu’il y a, à ce jour, encore des gens qui douteront de la valeur de sa vie, de sa nécessité pour le fonctionnement d’une communauté diversifiée, égalitaire et enrichissante.
Notre société a tellement peur des chromosomes supplémentaires qu’un des seuls tests fournis gratuitement est un test de dépistage de la trisomie.
À cause de ce genre de message, je crains l’avortement sélectif sur des enfants en santé ayant un POURCENTAGE de risque d’être différent. Comment expliquer à mon fils que beaucoup penseront qu’il est vivant car il n’a pas été dépisté?
J’appréhende l’information erronée qu’on donne aux parents sur l’efficacité de ces fameux tests de dépistage. J’appréhende encore plus l’information péjorative et inexacte qu’on enseigne aux parents sur cet état. La science avance, les connaissances sur le sujet aussi, c’est qui nous permet de mieux encadrer ces enfants. Ils n’ont pas à souffrir de méchanceté gratuite.
Quels messages de perfection lançons-nous aux familles en devenir? Je me questionne dans ce contexte si la valeur de ces futures vies n’est pas jugée uniquement d’un point de vue médical. Certains choisissent de mettre au monde des enfants avec de graves maladies incurables, mais considèrent la trisomie pire. Pourquoi j’ai souvent l’impression qu’on oublie facilement la valeur de l’amour?
L’étiquette que l’on apposera sur des enfants comme le mien est la même qu’on colle à tout ceux qui ont choisi ou choisiront de faire partie de cette vie. Nous avons intérêt comme société à privilégier la tolérance à l’indifférence.
Je ne suis pas pro-trisomie ou pro-avortement. Je suis simplement de celles qui sont pro-choix, tant que ces choix sont faits en couple, en connaissance de cause, en absence de tout jugement et dans le plus grand respect pour ceux, qui comme ma famille, n’ont pas eu ce choix.
Le 21 mars est la journée mondiale de la trisomie 21. Parlez de la différence à vos enfants, ouvrez-vous sur des familles comme la nôtre, après tout, pour nous, c’est vous qui êtes différents.
Connaissez-vous des gens à besoins particuliers? Que vous ont-ils appris?