L’anxiété de la cour de récré, celle du rack à bicycles, la honte, la solitude, les nausées, les maladies inventées, ce désir de vouloir être invisible, de partir très loin pour finalement, enfin… avoir la paix.
Pour les enfants d’âge préscolaires ou du tout début du primaire, je crois que le meilleur moyen d’aborder un sujet délicat, c’est par un livre bien fait et une histoire bien racontée qui peut aider à verbaliser une réalité difficile à articuler.
Je vous partage, ici, trois livres jeunesse qui s’adressent aux 4 à 6 ans (environ) et qui, sans trop tomber dans le pathos, racontent trois différentes histoires d’intimidation et de rejet chez les jeunes enfants1.
Tyranono. Une préhistoire d’intimidation, par Rogé et Gilles Chouinard, Montréal, éditions de La Bagnole, coll. «Modèles uniques», 2012.
Tyranono raconte la «pré»histoire (j’adore le jeu de mot!) du petit Tyrano qui est victime des railleries du grand et gros Tyran (ça lui va comme un gant!). Pour s’évader, le petit Tyrano ne rêve que des vacances estivales – le seul moment de l’année où on le laisse tranquille, enfin! Dans un étonnant revirement de situation, Tyrano prouvera à son « tyran » qu’il vaut autant que tous les autres dinosaures de leur école et, en plus, Tyran le lui rendra. Youpi! Qui plus est, cette histoire d’une amitié improbable est très joliment illustrée.
La Lapindicite, par Christine Naumann-Villemin et Arnaud Nebbache, Paris, éditions kaléidoscope, 2014.
Ignace est un petit lapin qui tous les jours, en franchissant les grilles de la cour d’école, se fait assaillir par le grand Hannibal qui – à l’instar de son homonyme du Silence des agneaux, mais en moins psychopathe et pas cannibal – dévore… son goûter. Ignace, lui, a mal au ventre. Tous les jours, mal au ventre. D’ailleurs, il décrète qu’il souffre d’une terrible lapindicite!
Sa maman et son papa le cajolent. Ignace avoue, finalement, à son père que son mal de ventre est comme un gros caillou. La fin de l’histoire est surprenante et un brin baveuse! J’ai eu envie de faire un standing ovation à Ignace dans mon salon. Mon Monsieur Lapin était bien d’accord. GO IGNACE! GO!
Aussi, les illustrations au pochoir d’Arnaud Nebbache rappellent l’enfance. J’aime particulièrement les ellipses visuelles (si je peux les appeler ainsi) qui ne laissent place qu’au petit lapineau souffrant de son caillou dans le bidon.
Le Chat rouge, par Grégoire de Solotareff, Paris, L’École des Loisirs, 2014.
À l’instar des deux autres récits, celui du Chat rouge raconte l’histoire d’un chat différent qui est rejeté par ses comparses félins, car… il est ROUGE! Heureusement, une jolie chatte blanche viendra à lui et ensemble – et grâce à leurs différences – ils se protégeront.
Dans ce récit, où il est question d’apparence, les enfants sont amenés à repenser l’importance de l’image et à comprendre que les préjugés sont souvent infondés.
D’ailleurs, il n’y a pas que la finale des chats insoumis (c’est presque un pléonasme!) qui fait battre mon coeur, mais aussi les magnifiques aquarelles de Grégoire de Solotareff. Le coup de pinceau, à la fois chevrotant et diffus (vive l’aquarelle!), me rappelle l’image des préjugés et des peurs infondées qu’il faut faire vaciller et tomber.
Vous servez-vous des livres pour expliquer certaines réalités à vos enfants? Pourquoi?
1 La Lapindicite et Le Chat rouge m’ont été offerts par Gallimard/Jeunesse et Tyranono est un cadeau de Noël reçu par M. Lapin, merci Papi et Mamie!