Longtemps, j’ai bourré mes brassières de Kleenex. Pour faire croire que j’en avais, moi aussi, t’sais, des seins.
Des totons, que j’observais en catimini dans le vestiaire. Tandis que je me changeais derrière une serviette. Parce que j’avais honte (#SuchAShame) de ma nudité. Et de cette peau que je cachais à l’intérieur de vêtements méga-trop-larges pour empêcher les yeux des autres de trouver un endroit où se poser sur moi. Ha!
J’étais gênée.
Mais je rêvais de grandeur (côté mensurations, profondeur du bonnet et regards d’homme, aussi).
Des seins, j’en voulais. Des boules surnaturelles comme Madonna.
Grossesse : gros jos, grosse job
Puis, la maternité est venue. J’ai vu ma poitrine se transformer. Mes mamelons se sont élargis. Mes boobs sont devenus lourds. Ma brassière renfermait un frigidaire de lait. Que les gens regardaient ou pas mes seins, je m’en balançais. Il n’y avait là plus rien de sexy. J’avais une tâche à accomplir, that’s it. Le reste ne comptait plus. Allaiter sur un banc public ou au bord de la piscine, why not. #BinOuiJallaite
Les premiers temps ont été difficiles. Durant les deux premiers mois, chaque jour, j’ai voulu abandonner. Mes nipples étaient fendus comme des cratères. Les pommades ne changeaient rien. Pour la première fois, mes seins étaient des choses à soigner. Ils existaient.
À petites gorgées, ma vie se vidait. Mes forces se déposaient dans un p’tit être. J’étais le lait de quelqu’un d’autre. Nous n’échangions ni regards, ni paroles, mais un élixir étrange. J’en étais addict, accro.
Toute bonne chose a une fin. Paraît. Ou enfin, j’essaie de me convaincre que c’est le mieux qui puisse m’arriver. La fin de l’allaitement a été pour moi la fin du monde. Je n’étais pas prête à nous sevrer. La déprogrammation a duré deux semaines (et dure encore mentalement).
Depuis deux semaines, je mets dans la bouche de ma fille du lait usiné. Mes boobs ont été remplacés par du plastique. À chaudes gouttes, nous avons pleuré, mes seins (huge, ÉNORMES) et moi. J’ai porté des vêtements tachés de pleurs. J’ai enduré.
Maintenant que tout est fini, j’ai retrouvé mes brassières d’avant, celles avec de la jolie dentelle. Celles délicates, sans panneaux ou pads d’allaitement.
Maintenant, seins nus, je suis fière. Mes totons sont tout petits, peut-être, mais ils ont déjà tellement vécu. Puis surtout, ce sont ceux d’une maman.