Je ne suis pas capable de plier un drap contour. Un drap tout court, en fait. Mon armoire à draps, haut de garde-robe où je pitche les draps pliés tout croche, n’a rien à voir avec celle de mon enfance. Chez nous, c’était placé à l’équerre et ça sentait toujours le printemps.
Le lavabo de ma mère n’a jamais servi, en apparence. Parce que Dieu sait qu’il y a eu du Pine-Sol là-dedans. Elle lave tout, réussit à faire briller n’importe quoi. Certaine que même le chien passait sous la guenille. Mon lavabo a toujours des restes de salade.
La sacrament d’armoire à Tupperwares. L’endroit du démon. Pas pour ma mère. Tu retrouves le bon couvercle, automatique. Une faiseuse de miracles, j’vous dis. Chez nous, il y a autant de plats qui ne ferment pas que de bas qui n’ont plus de frères.
Aucun chandail blanc lavé chez ma mère n’a les d’ssous bras jaunes. Pas un maudit. Et j’utilise les mêmes produits. Il y a sûrement de quoi dans son PH de mère qui n’est pas encore arrivé dans le mien.
Plutôt que de dormir la nuit, ma mère cousait mes costumes de patinage artistique. C’était le temps d’Oksana Baiul à Lillehammer. Il fallait ben de la plume et beaucoup de paillettes. Hypothéquer un 8 h de sommeil pour un 1 minute 30 de steppettes où sa fille paraît bien, ma mère trouvait que c’était un bon investissement. J’ai tricoté un bonnet. Qui s’est avéré être une capine. Pis j’ai rangé mon kit de tricot neuf. Perte de temps, me suis-je dit.
La seule reconnaissance que j’avais pour ma mère à l’époque était un méchant air bête.
Crédit photo : Edith Fortin
Avant même que Lady Gaga n’existe, ma mère me faisait des boucles dans les cheveux. En direct du p’tit banc de bois de comptoir, dans notre salle de bain de Mistassini, où jamais je ne pouvais sortir sans avoir le toupet crêpé. Ça a changé. Une tresse, c’est mon top, être échevelée est la norme.
Ma mère n’utilise pas de tasse à mesurer. Elle utilise son oeil. C’est comme si toute sa vie, elle avait porté des GoogleGlass. Sauce à spag’ à l’oeil, soupe à l’oeil, crêpe à l’oeil. Facile, mon oeil. Ma sauce à spag’ mesurée est réussie 1 fois sur 2, ma soupe Lipton goûte l’eau et mes crêpes goûtent la farine. Oui, j’ai pourtant suivi la recette.
Force est d’admettre que je ne fais pas le quart (mesuré) de ce que fait ma mère. Ce que je fais comme elle par contre, c’est aimer. De la plus petite paillette qu’elle a cousue au plus grand bordel de draps-contour chez nous, on aime autant. C’est un bon début. Le reste devrait venir.
En quoi vous n’arrivez pas à la cheville de votre mère au quotidien?