Le désir de grossesse peut tuer à petits traitements, de l’intérieur. Du moins c’est ce qu’on ressent en lisant Clinique, de Martine Batanian.
Ce petit roman (qui tient tout juste dans la paume), je l’ai parcouru sans vouloir le lâcher; si ce n’est que pour m’essuyer les yeux.
Parce que, oui, je me suis reconnue (beaucoup) à travers le personnage de Solène, la narratrice, qui essaie de tomber enceinte une fois, deux fois, vingt fois … en clinique de fertilité, pendant cinq ans et trois fausses couches. Comme elle, j’ai passé beaucoup trop de temps à m’occuper des enfants des autres (un nombre incalculable de petits élèves), pendant que je rêvais tout bas d’avoir un bébé pour moi, un jour.
Crédit : Anne Genest
Comme Solène, j’ai cherché une explication à cette infertilité :
- Est-ce à cause de cet avortement subi dans le passé ?
- Est-ce un message inscrit dans l’inconscient ?
- Est-ce parce qu’elle « n’est pas assez détendue »?
- Parce que « le temps n’est pas venu » ?
- À cause de la peur d’être une mauvaise mère ?
- À cause d’une mauvaise perception de son corps ?
- À cause de ce qu’elle mange : «Prends des vitamines. Mange plus d’aliments riches en fer. Moins de produits laitiers. Moins de café. Pas d’alcool. »
- « On ne parvient à avoir un enfant que lorsqu’on consent au don. Tu n’es plus une fille, mais tu n’es pas encore une femme : tu n’existes pas. »
En plus des mises en garde des autres, Solène doit subir les difficultés de son propre corps. Ce corps qui saigne, qui souffre lors des traitements. « Il y a une arme dans mon ventre qui se retourne contre moi. »
« Angry red. C’est la couleur des toiles d’endométriose dans mon utérus. La couleur de l’infertilité. Le sang coule de mon corps, chaud, doux, comme une caresse qui chatouille, énerve, rend folle. »
Crédit : Anne Genest
L’entourage de Solène n’y croit pas non plus. Ni sa soeur, autrefois complice. Ni la grand-mère « C’est une honte! Toutes les portes te sont ouvertes sauf une, et tu t’obstines à ne voir que celle-là. » Ni le grand-père qui la presse d’écrire un livre, au lieu.
Reste l’amoureux, mais pour combien de temps?
Si parler de la maternité est à la mode en littérature, l’infertilité l’est pas mal moins. Rares sont les romans qui mettent en scène avec autant de précision, en disséquant le problème, en enlevant le superflu, ce mal des femmes, pourtant de plus en plus commun. Chapeau à Martine Batanian pour cet opuscule vif sur le désir violent de mettre au monde!
Pensez-vous que la littérature devrait s’intéresser davantage à la non-maternité ?