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Syndrome de Clouston : lettre à celui qui a découvert ce gène défectueux.
Crédit: Valérie Longpré
Cher Monsieur Clouston,

Je voulais prendre quelques minutes pour vous remercier d’avoir pris votre temps pour répertorier, analyser et décortiquer la première maladie génétique du Québec et d’y avoir donné votre nom. C’est ben smart parce que, maintenant, grâce à vous, je sais que je ne suis pas la seule. Que des milliers de personnes, comme moi, souffrent de ce syndrome à la cure inexistante. Ça fait toujours un p’tit velours de savoir que nous ne sommes pas seuls au monde, même si c’est un peu chien de souhaiter à quelqu’un d’autre la même bad luck.

Je parle de bad luck parce que, comme vous le savez, une personne sur 100 000 est atteinte du syndrome portant votre nom, dans la vie. Ça fait que, 1, 2, 3… 237… 6 412… 99 999, pis moé, la 100 000e. Ben oui, une personne sur 100 000 et c’est moi la chanceuse, celle qui a hérité de cette anomalie génétique de marde et qui a 50 % de chance de la transmettre à son tour, chaque conception. Ça s’appelle une transmission autosomique dominante, ce qui signifie que, lorsqu’un parent est porteur, leurs enfants ont une chance sur deux de recevoir la maladie. Un pile ou face avec une cagnotte irréversible. Un gambling qui va décider du sort de mon enfant.

Chez nous, Monsieur Clouston, ça vient de mon père. C’était donc lui la bête de foire du village qui a transmis à ses deux enfants le gène défectueux. À ma naissance, mon frère, avec qui j’ai 6 ans de différence, s’est empressé de demander à ma mère si j’étais « normale ». Comme j’étais en parfaite santé et que j’avais pas mal tous mes membres, elle a donc répondu par l’affirmative. Mais, quand mon frère a pris ma petite main dans la sienne et qu’il a vu mes ongles, il a regardé ma mère et lui a fait un signe négatif de la tête. J’avais, moi aussi, hérité de cette maladie qui allait rendre ma vie pas toujours facile, facile.

Mis à part me faire prendre pour un p’tit gars pour les premières 10 années de ma vie, je me suis fait traiter de zombie, de cancéreuse, on m’a fuit comme si j’avais la peste, on a refusé de me toucher comme si j’étais contagieuse. On m’a harassée, poussée, intimidée, rejetée parce que j’étais différente. Juste parce que j’avais de petits ongles et peu de cheveux, comme les premières personnes atteintes que vous avez répertoriées, qui étaient ostracisées dans un ghetto de la ville d’Huntingdon.

Petit rappel des symptômes :  
« La manifestation la plus caractéristique [du syndrome de Clouston] est l’anomalie des ongles qui est visible à la naissance ou durant la petite enfance. Les ongles sont épaissis, de croissance lente, fragiles, souvent hyperconvexes et décolorés (avec présence de stries). […] L’atteinte pilleuse se manifeste à la naissance ou plus tard, durant la petite enfance ou l’enfance, et peut aller d’une alopécie (perte des cheveux) partielle, souvent progressive, à totale. Les cheveux résiduels sont clairsemés, fins et fragiles et ont une croissance lente. Souvent, les cils et les sourcils sont également clairsemés. Les pilosités axillaire, pubienne et corporelle peuvent être affectées. L’hyperkératose palmoplantaire (couramment appelé corne) n’est pas une manifestation constante. Lorsqu’elle est présente, elle débute en général dans l’enfance et a tendance à s’aggraver avec l’âge[1]. »

Moi, j’ai eu la totale parce que, t’sais, on peut avoir le syndrome à des degrés divers. Je suis donc une patiente qui a des ongles avec un aspect étrange, pas beaucoup de cheveux (et de poils) et de la corne à l’intérieur des mains et sous les pieds.

Bon, il est vrai que tout dans la vie a ses avantages. Je ne me suis jamais rasé les jambes, mais en revanche, je n’ai jamais pu avoir les cheveux longs. Manucures françaises, pédicures et toute le kit? Connais pas. Ça fait chier d’être différente, même quand ce n’est pas grand-chose, même quand ta santé n’est pas affectée. Je sais, le syndrome, c’est physique seulement, je peux me considérer chanceuse dans ma malchance, I guess.

J’ai appris à vivre avec ça spécialement grâce à ma mère, mais j’ai peur pour mon futur enfant parce que les kids, desfois, c’est méchant. Dans la suite, « Doc », je vous raconte comment ma mère m’a fait grandir (dans tous les sens) grâce à son approche humoristique face à la maladie et comment j’envisage d’aborder le sujet avec mon enfant (qu’il soit porteur ou non).

Crédit : Valérie Longpré

So well, Monsieur Clouston, merci de vos découvertes pis toute, mais vous saurez que nous n’avons pas fini de nous parler, vous pis moé.

Bien à vous, à la semaine prochaine!

 


[1] http://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?lng=FR&Expert=189
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