En 2011, j’ai entrepris de lourds traitements en clinique de fertilité. Je suis chanceuse. J’ai une maladie diagnostiquée, ce qui facilite les traitements et augmente les probabilités de succès. La fertilité est une science de pourcentages et de probabilités : il n’y a rien d’exact, rien de garanti. Après deux ans de traitements, quatre embryons de 8 cellules ont été conçus. Quatre débuts de vie, quatre miracles.
Les médecins ont transféré un embryon dans mon utérus et les autres furent congelés. J’ai toujours l’image du scientifique qui ouvre la porte du congélateur dans le haut d’un frigo et qui park les embryons à côté d’une sauce à spag’. Quand nous avons décidé d’avoir un deuxième enfant, miracle #2 a été décongelé et implanté avec succès, ce qui fait qu’aujourd’hui, j’ai deux merveilles qui courent, sourient, pleurent et attrapent la gastro (bon, mon garçon n’a pas un mois, il ne court pas concrètement encore). J’ai donc deux miracles qui sont toujours à côté de la sauce à spag’ dans le congélateur de ma clinique de fertilité.
Crédit : Marie-Pier G.
Je vais éventuellement devoir décider du sort de mes embryons. C’est weird comme réflexion éthique.
Je peux les porter, les accoucher et les aimer. Cependant, nous ne voulons pas d’autres enfants, notre famille est complète. Ça me brise le cœur, je me sens coupable envers eux,
mais c’est comme ça.
Je peux donner mes embryons à la science. Impossible de m’y résoudre. J’aurais l’impression de les donner au Dr. Moreau sur son île avec Val Kilmer pis que mes embryons serviront à créer des genres de mutants (j’ai beaucoup d’imagination). Je capote juste à y penser.
Je peux les donner pour la formation des embryologistes afin que d’autres couples puissent aussi bénéficier des meilleurs professionnels possible pour leur traitement. Je ne suis pas capable non plus. Ces embryons, ils ont trois jours de vie. Ils sont le début d’une vie. Je ne peux pas les donner à des étudiants qui ne savent pas à quel point j’ai souffert pour les créer.
Je peux les donner à un couple souffrant d’infertilité. Un couple qui n’attend que ça, d’avoir un bébé à eux. Un couple qui veut plus que tout au monde avoir un enfant. Cher couple, je suis sincèrement désolée, mais je ne peux pas non plus. Je ne vous connais pas, je ne connais pas le futur. Ce serait comme donner un de mes enfants à l’adoption. Je ne pourrai jamais être certaine à 100 % que cet enfant sera choyé, dorloté et aimé. Je ne pourrai jamais savoir si cet enfant sera négligé ou victime de maltraitance. Dans ma tête, le 0,00001 % de chance que cela survienne est un risque trop grand.
Finalement, je peux décider qu’ils soient détruits. Après deux ans de pilules, de piqûres, d’hormones, de pleurs et de désespoir, je peux décider d’arrêter ces petits débuts de vie qui m’ont tant coûté à moi-même et à mon couple.
Je ne sais pas encore ce que je ferai, mais je sais qu’un jour, je devrai prendre une décision, et cette décision sera déchirante.
Que feriez-vous? Est-ce qu’il y a des options qui vous semblent plus envisageables que d’autres?