C’était l’été quand je suis entrée à l’hôpital pour y accoucher. Je suis ressortie à l’automne. Ce furent les plus longs 3 jours de ma vie.
Ça m’aura pris 3 essais avant de « réussir » à accoucher. J’ai des accouchements de marde vraiment difficiles. Le premier, il y a 14 ans, a pris 26 heures, dont 4 heures de poussées (oui-oui, ça se peut) dans une vraie scène de boucherie à l’hôpital.
On ne réveille pas un médecin en pleine nuit avant d’être vraiment prête à accoucher! Les résidents se succédaient et les infirmières me prenaient en pitié. Quand le médecin est arrivé en catastrophe, je poussais déjà depuis 3 heures, sans succès. Le bébé était en détresse. Nous faisions de la fièvre. Il fallait vite agir.
Mon fils est resté pris dans la ceinture de feu. Vous, femmes qui avez accouché, imaginez… La péridurale n’a pas fonctionné (oui, ça se peut aussi). Je sentais le frottement des os de son crâne trop gros contre les os de mon bassin. Je sentais ma peau se déchirer fibre par fibre.
Le médecin m’a sommé de me taire puisque j’étais sous anesthésie. Bien sûr, Docteur, je fais des vocalises pour le simple plaisir! #Not
Jamais on ne croira à l’inefficacité de cette fichue piqûre. Mon cerveau, lui, le savait. Il s’est déconnecté. J’ai vu mon corps, pour vrai. J’ai ressenti le plus grand bien-être de ma vie, une plénitude : « Ah, c’était donc ça, la vie? Eh ben… It’s all good! ».
J’ai vu plein d’images de quand j’étais petite, puis… HOP! AÏEEEE!!!! J’étais revenue dans cette salle de torture. Des 4 hommes en blanc présents devant moi, 3 étaient EN MOI avec leurs mains, leurs ventouses et leurs ciseaux. Le 4e était vert et c’était le papa. Le bébé, lui, est sorti mou et bleu. J’en ai vu de toutes les couleurs.
Ils m’ont torturée. J’ai entendu le médecin dire au papa qu’il allait me recoudre mieux qu’avant : « Hey! She’s gonna be like new! ».
Salaud.
Je suis un peu trop perfectionniste. J’y travaille. Je voudrais tout réussir du premier coup. Cela dit, j’avais décidé du haut de mes 24 ans de foxer les cours prénataux. « Voyons donc, les femmes accouchent depuis toujours, je ne vois pas ce qu’il y a à apprendre! » Erreur. Du moins, dans mon cas.
Je n’étais pas prête du tout. Je me suis laissée envahir par une équipe médicale hyper interventionniste sans rien dire. Sans avoir appris mes droits et comment les faire respecter. J’ai subi un choc post-traumatique. J’ai dû m’étendre chez le psy pour en parler, même après 10 ans. Le nom de ce que j’ai vécu : violence obstétricale. Allez lire là-dessus!
Ce médecin, il m’a ensuite recousue à froid pour réaliser, après coup, que le placenta n’était pas sorti. Révision utérine sans préavis. J’ai hurlé à la mort. Re-points de suture. Passive spectatrice dépassée.
Mon fils était réanimé à côté de moi, mais je ne m’en souciais plus. Sa machine bipait chaque fois qu’il arrêtait de respirer. Il a fallu que je menace de le débrancher pour qu’on me laisse enfin dormir après plus de 30 heures. Quand le gros garçon m’est revenu après un petit somme, je n’ai pas ressenti quoi que ce soit. Qui était cet être qui m’avait traversée? Je n’ai pas réussi à allaiter les premières heures : on m’effleurait et je criais.
Ma mère est arrivée. Elle attendait des nouvelles depuis la veille, terriblement angoissée. Je pleurais : « Maman, aide-moi. La visite va arriver. C’est la pire journée de ma vie! Qu’est-ce que je vais faire de lui? » Ma mère m’a flattée, coiffée, maquillée (ahhh! Merciii!). Elle s’est à peine penchée sur le berceau à côté de moi. Elle m’a écoutée, épongé mes larmes, m’a tapoté la main. Femme sage, elle m’a d’abord réparée. Pendant au moins une heure, il me semble…
Et qu’est-il advenu de lui?
C’est quand ma mère l’a pris dans ses bras pour me l’amener que ça a grondé dans ma poitrine : « Donne-le-moi, c’est MON bébé! », ai-je dit. Et ma maman, cette fée magique qui prévoit tout, m’a tendu mon nourrisson et ne nous a plus quittés pendant près de trois semaines. Pas de congé de paternité chez nous, pas même une journée.
Mais la fée arrivait comme une ombre dès que le papa partait au travail et rentrait à la maison dès qu’elle entendait sa voiture. Elle cuisinait, lavait, frottait et m’aidait avec les soins sans jamais me remplacer ou me dire quoi faire. C’est avec elle (et grâce à elle) que je suis devenue une maman. C’est elle qui a recollé les morceaux que les médecins avaient déchiquetés.
Moi qui voulais une famille nombreuse, je me suis dit que le deuxième accouchement irait forcément mieux… Et puisque j’avais « coulé » mes cours, je les referais! Mais c’était mal connaître les scénaristes de ma vie. Je vous raconterai le deuxième accouchement, oui, mais promettez-moi de ne pas lire si vous avez une césarienne prévue, d’accord?
Et vos cours? Trouvez un moyen! Le CLSC, des livres, une doula, des cours privés ou un suivi de sage-femme, mais devenez sage et renseignez-vous sur les accouchements, les interventions et sur vos droits. Le savoir, c’est le pouvoir? Ça n’aura jamais été aussi vrai qu’en salle d’accouchement!
Vous êtes-vous senties respectées en accouchant? Aviez-vous suivi des cours de préparation?