On en parle peu. Les articles sur la dépression prénatale (ou dépression de grossesse) se font rares en société et dans les médias. Être enceinte et avoir parfois envie d’en finir, c’est assez aux antipodes pour être complètement tabou. Et pourtant… la dépression prénatale est une ennemie de taille qu’il faut apprendre à cerner. Car quand elle est grave, elle peut menacer la vie de deux personnes.
Mes trois petits ont été désirés et planifiés. J’ai toujours voulu plusieurs enfants. C’est combien plusieurs? Au moins trois, peut-être davantage, je ne sais pas. J’aime tellement les bébés, ils me rendent extatique. Dès que j’accouche, aucun baby blues en la demeure, je ressens plutôt baby buzz! Je suis tellement aux anges que mon système se met en hyperfonctionnement pour au moins 3-4 semaines. Plus besoin de manger, plus besoin de dormir – juste regarder mon nouveau-né et l’allaiter me comble. C’est tout aussi anormal qu’un baby blues (mais bien plus l’fun!).
Cela dit, chaque fois que le petit « + » est apparu, mon calvaire a commencé. Suis-je réellement en train de raconter ça… Oh well.
Sautes d’humeur, colères soudaines et inexplicables, fatigue incommensurable, désespoir. D’autres signes à observer ici. De grossesse en grossesse, mes symptômes apparaissent de plus en plus tôt et se poursuivent de plus en plus tard. T’sais, quand tu attends impatiemment la fin de ton premier terme (à 12 semaines) pour retrouver un peu d’énergie… Eh bien moi, ça ne m’arrive qu’à la semaine 32 et ça repart à la semaine 35! Je passe donc 3 saisons dans un néant dont je n’émerge que pour dormir – 16 heures par jour.
Et si j’ai le malheur de dépasser ma DPA (Date Prévue d’Accouchement), je sombre : ça y est, c’est fini, je n’accoucherai plus jamais, je vais rester comme ça toute ma vie… bou-houhou!
Pourquoi?
Plusieurs raisons. Les causes de la dépression de grossesse sont multiples et floues. Les femmes avec des antécédents de dépression dans leur famille sont plus à risque. Les hormones sont une des causes, certes, mais aussi des raisons plus personnelles peuvent en être la cause. Dans mon cas, des accouchements traumatisants laissant une anxiété marquée pour l’issue de la grossesse.
1,5 à 6% des femmes subissent un SSPT (syndrome de stress post-traumatique) après leur accouchement, et jusqu’à 1/3 des femmes vivent certaines manifestations de SSPT. Ça affecte inévitablement la qualité de nos grossesses subséquentes. Ce n’est qu’en 1994 que l’accouchement est entré dans les causes possibles de SSPT. Avant la fin des années 80, il était tout simplement impossible de se sentir déprimée pendant une grossesse – « Voyons une femme enceinte est nécessairement heureuse de donner la vie. »
C’est difficile de pleurer une grossesse désirée. Personne ne sait quoi dire :
– C’est normal d’être fatiguée enceinte. Tu es belle! Tes rondeurs te vont bien! Repose-toi, ça va passer.
Mais 9 mois, c’est long. J’ai pris du retard dans mes contrats. J’ai négligé mon mari, ma famille, mes amies. Et je me suis ruinée en Kleenex Lotion trois épaisseurs! J’ai mis du temps à identifier mon ennemie. Ce cocktail d’hormones ne me va pas bien du tout, ça c’est clair. Avec l’expérience, on commence à reconnaître le pattern.
Suis-je la seule à vivre ça? Non. Maintenant, je le sais. 10% des femmes enceintes souffriront de dépression prénatale modérée à grave. Et il y a un tas de moyens pour s’en sortir.
Ce n’est qu’à cette troisième grossesse qu’on m’a parlé de médication pour m’aider. J’ai lu. J’ai rempli la prescription et je l’ai gardée dans ma sacoche, comme une petite bouée de sauvetage. Chaque matin, je reportais au soir la prise du cachet. Chaque soir, je me couchais en me disant que je pouvais attendre encore au lendemain. Ces médicaments ne sont pas sans risque pour les fœtus et j’avais peur, même si elles peuvent constituer une aide efficace pour certaines. J’ai traversé mes journées une à une, parfois en flattant un flacon de petites pilules dans mon sac. Pilules que je n’ai finalement pas prises. Je n’ai pas non plus pris ce rasoir que j’ai lorgné dans la baignoire. Ça vous semble extrême, hein.
Quand on a la tête, le cœur et le ventre dans un nuage noir, on ne voit plus clair, même quand on connaît la date de la délivrance (DPA). J’espérais que l’accouchement terrasse l’ennemie, mais comment en être sûre? Ce n’est pas le cas pour tout le monde : 25% des dépressions prénatales se poursuivront vers la dépression post-partum. J’ai décidé de m’aider autrement. Je suis retournée voir mon vieux psy. J’ai écrit et j’ai changé de suivi de grossesse pour m’approprier ce 3e accouchement.
Ce sont les sages-femmes qui m’ont sauvée avec leur potion « Rescue » de fleurs de Bach et leurs granules homéopathiques auxquelles je ne crois même pas ordinairement. Elles m’ont surtout sauvée avec leur écoute empathique; un espace pour parler de mes traumatismes d’accouchements ratés et leurs numéros de cellulaire pour les appeler en tout temps. Jamais je n’avais connu ça en clinique.
Et j’ai accouché. AVAC réussi. Le miracle s’est produit pour une 3e fois : la délivrance m’a purgée de ces sales hormones. HEU-REU-SE-MENT! Deux heures après, lorsque j’ai enfin pu me pencher pour remettre mes bottes moi-même, je savais que cette dépression-là était derrière moi et que j’avais encore gagné ma bataille. J’ai pu profiter de mon baby buzz, comme pour les aînés.
Je pense déjà au quatrième, signe indéniable que je suis rétablie, parce que dès que je verrai le prochain « + » rose, j’ai bien peur de m’effondrer sous le nuage gris. Pour 9 autres mois de lutte quotidienne.
Mais mon ennemie sera-t-elle de retour? Savoir que l’accouchement peut se passer harmonieusement m’aidera peut-être à la tenir à distance, cette foutue dépression prénatale?
Si vous vous reconnaissez, allez lire sur le sujet. Il y a tellement peu d’articles, ça ne vous prendra pas trop de temps – (et j’ai mis les plus importants en hyperlien dans ce texte.)
Avez-vous vécu des symptômes de dépression de grossesse? Comment les avez-vous contrôlés?