La première, celle qui vit les « vraies » premières fois, avec ses enfants présents, qui ouvre grands les yeux pour y laisser s’installer les étoiles. Cette maman qui applaudit tous les exploits, qui sourit en regardant sa grande famille et qui s’émerveille en voyant son mari se chamailler avec cette belle brochette de petits bonheurs. Celle aussi qui est parfois exténuée et qui rêve de longs moments de silence.
Mais derrière elle se cache la deuxième. Cette maman oubliée qui imagine comment seraient ses premières fois, toutes ses expériences perdues qu’elle ne vivra jamais. La première entrée à la maternelle, le premier dodo chez la meilleure amie, la première dent tombée, le vélo à deux roues, le premier chum, la première peine d’amour, les premières règles, et là, maintenant, dans les dernières semaines, l’entrée au secondaire.
Car c’est ce que je devrais vivre moi aussi, comme toutes ces mamans d’enfant-nouvellement-ado qui vivent toute cette explosion d’émotions que représente cette étape tellement significative. Car moi aussi je partagerais avec elle, avec MON ado, toute la frénésie, ponctuée parfois d’angoisse, parfois de défis, parfois de doute, parfois d’envie, qu’est l’entrée au secondaire.
Je me suis imaginée, comme tous ces parents, partir à la recherche du meilleur programme pour elle, pour lui trouver quelque chose qui correspond à ses goûts, ses rêves, ses ambitions. Je nous ai tellement vues, toutes les deux, tout sourire ou toutes larmes, complices, à partager ensemble tous ces beaux moments de discussion sur ce que représente cette nouvelle vie. Mais…
Je ne vivrai jamais ces moments avec elle. J’ai vécu cette étape tout au long de la dernière année par procuration. En écoutant ma collègue de travail me raconter toutes ses démarches, en ouvrant grand les oreilles lorsque mon esthéticienne me disait à quel point son fils était excité, à tenter tant bien que mal de ne pas me sentir concernée lorsque les mamans à la gymnastique se racontaient leur réalité qui devrait pourtant aussi être la mienne.
Je ne peux même pas m’imaginer réellement comment tout cela se serait passé puisque je n’ai partagé qu’un peu plus de trois courtes années avec ma première fille. Je ne sais pas quel caractère elle aurait aujourd’hui, qui seraient ses amis, quel sport elle pratiquerait, quel instrument elle apprendrait, quelle passion elle vivrait. Par contre, je sais une chose : c’est que peu importe quel genre d’ado elle serait, je voudrais juste pouvoir lui prendre la main pour lui dire que tout ira bien.
Ce deuil, comme tous les autres, fait partie de ma réalité comme de celle de tous ces parents endeuillés qui ne vivront pas toutes ces premières fois!