Au moment où je m’y attendais le moins, j’ai appris la nouvelle. En fait, on n’est clairement jamais prêt à entendre quelque chose de la sorte.
Tu es incarcéré. Tu es mêlé à une histoire de pornographie juvénile.
Toi, mon meilleur ami, mon confident, tu es en prison. J’ai le cœur brisé; je ne sais pas comment me sentir. Avant, je t’aurais soutenu, comme je l’ai fait pour tes déboires passés. Mais mes perceptions ont changé, je suis maman maintenant.
D’une intelligence surprenante et d’une plume à en couper le souffle : des gens comme toi, on en rencontre rarement. Tu étais un garçon de peu de mots, mais tout ce qui sortait de ta bouche me chamboulait. Depuis l’âge de 14 ans, je t’admirais. J’étais bien avec toi.
Au cégep, une grande amitié s’était construite. Nous avions transgressé les limites pour goûter la chaire. Peu fructueux comme expérience, mais que cette question soit écartée était ô combien satisfaisant. Cette mince épreuve nous avait au contraire rapprochés et avait nourri notre complicité.
Je t’aimais d’amour, comme on aime un frère. Tu me racontais tes expériences avec les drogues, tes misères, ta sexualité déviante. Je t’écoutais, sympathisais et essayais de t’éclairer. Je n’avais pas à juger ta vie, car jamais toi tu ne l’aurais fait pour la mienne.
À l’université, j’étais loin de notre village natal, mais je prenais toujours du temps pour toi. Tu me manquais. Lorsque je t’ai visité en centre de désintox, je croyais que tu avais atteint ton bas fond. Qu’enfin, l’être rempli de potentiel allait ressurgir et montrer au monde ce que moi je voyais en toi. Mais non.
Comment as-tu pu aller aussi loin dans ta débauche? Je t’en veux de scraper ta vie et celle de ceux qui t’aiment. J’avais confiance en toi.
Maintenant, c’est la mère en moi qui parle et cette relation est morte et enterrée. Jamais tu ne rencontreras ma fille.