Enfin, avec le reportage d’Enquête, les femmes autochtones ont un moment notre attention. Enfin, la journaliste et son équipe leur ont reconnu un droit fondamental : celui d’exister. Et pas seulement dans un cours d’histoire qui fait tout, sauf vraiment raconter l’histoire comme elle s’est déroulée.
Je suis fière qu’on donne la parole à ces femmes et l’engouement autour du reportage me permet d’espérer un peu envers l’humanité.
En même temps, toute l’injustice de cette situation me rend tellement en colère. Pourquoi toujours attendre un scandale médiatique pour entendre la voix des minorités? Plus de cinq mois sont passés depuis que la SQ a été informée de la situation. Puis la direction des normes professionnelles. Et le ministère de la Sécurité publique. Cinq mois. Ça en fait des femmes qui continuent de vivre l’enfer pendant que rien ne se passe.
Bien sûr, il sera défendu qu’une enquête a été enclenchée. Pourquoi, alors, est-ce que les policiers visés par les allégations criminelles ont été retirés de leur fonction seulement à la suite de ce reportage? L’action devient nécessaire seulement si ces gestes violents sont amenés à l’attention du public? C’est à se demander si les dirigeants ont une forme quelconque de jugement moral.
Racisme, sexisme, colonialisme; tous ces systèmes hiérarchiques jouent simultanément dans la mise en place et le maintien des conditions de vie des femmes autochtones. Notre société, qui se targue bien souvent de son égalité hommes-femmes, a clairement besoin d’un exercice d’introspection.
Et la SQ craint qu’un tel reportage ait un impact sur la confiance de la population envers le service de police? Toute personne sensée se poserait des questions. C’est vrai, les gestes commis ne visent pas l’ensemble des policiers et il serait tentant de croire que tous ne méritent pas d’être mis dans le même panier. Mais qu’en est-il du silence? Cette violence dure depuis si longtemps et les collègues ne seraient au courant de rien? Permettez-moi de douter. Dans cette culture organisationnelle, ceux qui détournent les yeux envoient aux femmes autochtones le même message que les policiers qui ont commis directement les agressions : elles n’en valent pas la peine.
C’est pourquoi je veux prendre le temps de m’adresser à vous, femmes si fortes qui avez décidé de parler. Vous vous relevez et vous tenez debout face à notre société, qui révèle aujourd’hui un bien laid visage. J’espère vraiment que votre courage trouvera écho et que votre message sera non seulement entendu, mais déclencheur d’actions concrètes visant à enrayer toute cette violence.
Maintenant, quiconque a vu ce reportage ne peut cacher son inaction dans un manque de connaissances. Maintenant, nous savons tous. Qu’allons-nous choisir comme société? À quand une véritable commission d’enquête publique?