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J’ai été ce bébé que vous ne voulez surtout pas avoir!
Crédit: Musée McCord
Il y a quelques faits marquants dans mon enfance:

  • J’étais un torrent de larmes et un geyser de produit laitier jusqu’à l’âge d’un an;
  • à quatre ans, j’ai assommé à mains nues une grenouille pour mieux l’attraper (vidéo à l’appui);
  • à cinq ans, j’ai volontairement introduit un grain de café dans mon nez (j’aimais son odeur!);
  • j’ai fait mes nuits à cinq ans, pas avant.

Oui, jusqu’à l’âge de cinq ans, j’ai levé ma mère deux à trois fois par nuit pour avoir du jus, du jus chaud de surcroît. À une époque où le four micro-ondes n’était pas encore dans toutes les maisons…

Je laisse votre imagination travailler un peu.

Voilà, je le sais, déjà, vous en êtes venu à la conclusion que ça n’a pas de sens. Que mes parents auraient dû exercer un peu de discipline, appliquer le 5-10-15 (comme moi j’ai fait d’ailleurs sur mon fils!), cesser de se plier à mes caprices, etc.

Quand la maternité m’a frappée de plein fouet, j’ai pris conscience de l’immense patience (voire sacrifice d’énergie) de ma mère. Et je lui ai demandé pourquoi elle n’avait pas usé d’un peu plus de fermeté avec moi sur ce dossier. Sa réponse s’est faite en trois points :

« . Valait mieux te donner du jus chaud tout de suite que tu réveilles tout le monde de la maison.
« Tu étais vraiment trop mignonne et tu n’oubliais jamais de dire «merci». »
« Je me doutais bien qu’un jour, tu arrêterais par toi-même. »

C’est vrai, j’ai arrêté par moi-même (quand mes parents ont acheté un four micro-ondes!).

Alors à tous ceux qui disent qu’un bébé devrait dormir seul dans son lit à deux mois, faire ses nuits à sept mois et qu’il devrait s’endormir seul au risque de devenir des enfants gâtés-pas-possible-exigeants-égoïstes-et-nécessairement-associales-à-l’école (et quoi d’autre encore!), je réponds : foutaise!

Parce que malgré mon côté bébé-pas-possible-et-trop-gâté-selon-les-spécialistes, j’ai très bien réussi à l’école (je m’enligne vers un doctorat à l’automne), je n’ai jamais été associale, j’ai été une adolescente idéale qui n’a jamais essayé ni cigarette ni drogue (plate de même la fille!) et qui a préféré étudier le violoncelle plutôt que de sortir dans les bars. J’ai quitté la maison à 17 ans, autonome financièrement et tout à fait apte à prendre soin de moi seule.

Mais parfois le soir, quand je me couche à côté de mon fils de deux ans qui ne veut pas s’endormir seul et qu’une petite voix qui me dit : « les spécialistes disent qu’à son âge, il devrait déjà s’endormir seul depuis longtemps », je la fait rapidement taire et lui réponds : « tant pis, moi j’aime ça me coller quand il s’endort et tant qu’il en a besoin, je continuerai! Parce que je sais que dans cinq ans, ce sera moi qui va le supplier de me faire une petite place dans son lit pour que je m’allonge à ses côtés un tout petit instant. »

Et puis je colle mon visage contre sien pour sentir son petit souffle de terrible two sur ma joue et j’attends que sa douce respiration se transforme en ronflement de baby boomer.

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